Le bon Dieu sans confession
L'Eglise propose à ses fidèles de vivre le sacrement de la réconciliation, autrefois appelé confession, au moins une fois par an, ajoutant souvent que l'Avent et le Carême y sont particulièrement propices. Or, si le Carême correspond bien -à tort !- dans l'imaginaire de nos contemporains à une période propice à l'auto-flagellation, ils ont du mal à faire rentrer l'Avent et la joie de Noël dans ce tableau. La lecture de ce dimanche pourrait bien nous éclairer...
Le carême, en effet, est associé pour beaucoup aux privations que certains s'infligent en pénitence. On pourrait facilement croire que le catho essaie de se racheter lui-même, voire de gagner son paradis1. Mais que viendrait faire la confession dans ce temps de préparation Noël, quand déjà le chocolat garnit nos maisons ?
Un début de réponse est peut-être à trouver dans le texte de lettre aux Hébreux proposé par la liturgie, qui reprend le psaume. Il y est dit que sacrifices et offrandes n'ont que peu de valeur aux yeux de Dieu2, ce qui est somme toute logique puisque tout ce que nous pourrions lui sacrifier, nous le rendrions plus que nous le donnerions puisque c'est Lui qui nous a tout donné. Un bon écrivain3 comparait ainsi notre attitude avec celle d'un enfant qui demande à son père une pièce de six sous pour lui acheter un cadeau. Le cadeau émeut certes le père, mais ce serait folie que de croire que le père se retrouve ainsi enrichi de six sous !
Dieu ne veut pas de sacrifice ; il sait que nous sommes trop tentés de vouloir par là nous sauver nous-mêmes. Mais le Fils lui répond : "me voici, mon Dieu, je suis venu faire ta volonté". On ne peut soupçonner le Fils d'avoir quelque chose à se faire pardonner. Aussi, quand il fait la volonté du Père, ce n'est pas pour s'attirer ses bonnes grâces, c'est justement parce que là se trouve le coeur de la vie divine, que nous sommes appelés à partager. La rédemption n'est pas la récompense de celui qui recherche le bien, c'est le fait-même de rechercher le bien en toute chose ! Et non pas le bien, tel que nous en décidons, mais sa volonté.
Vue dans ce sens, la confession n'est pas un lieu où l'on vient chercher des pénitences pour que le salut soit un jeu à somme nulle : elle est le lieu où l'âme qui se sait sauvée vient rendre grâce de l'irruption unilatérale de Dieu dans sa vie ! Alors faites-moi ce plaisir : quand vous irez4 voir un prêtre ces prochains jours, vivez la confession la plus joyeuse que vous ayez jamais vécue, celle où vous réalisez que malgré l'abondance du péché dans votre condition d'humain, la grâce divine surabonde ! Faites votre confession en ressuscité !
Prenons une métaphore : un randonneur -ou un pèlerin- qui perd son chemin, tant qu'il est encore perdu, est dans l'auto-flagellation : "tu aurais dû regarder la carte, si tu avais pris une boussole avec toi.." ; mais lorsqu'il a en vue son but, il est dans la joie. Il ne regrette que de n'être pas arrivé plus tôt au but. S'il connaît alors précisément ses erreurs passés, ses égarements, c'est pour ne pas perdre de vue ce but une nouvelle fois : en fait, c'est précisément parce qu'il connaît le but qu'il peut voir ses détours. S'il peut appeler ces pas superflus "détours", c'est parce qu'il est tout entier tourné vers le but !
Cela donne un regard sur la confession, certes, mais pourquoi la pénitence ? Pourquoi le prêtre me donne t-il une action à accomplir, sans laquelle l'absolution, dit-on, n'est pas valable ? J'y vois deux raisons5 : la première c'est que la pénitence elle-même est action de grâce. Elle est d'ailleurs souvent très douce (qui, une fois réconcilié par Jésus, n'aurait pas envie de prendre du temps avec son Père, ton créateur ? n'aurait pas envie de remercier sa mère, qui a accepté qu'il advienne par elle dans notre humanité ?).
La seconde, c'est qu'elle fait entrer la réconciliation dans la sphère du corps, elle l'incarne : l'Eglise sait que pour atteindre son but, le randonneur doit fréquemment lever les yeux vers lui, et que cela demande de l'habitude, qu'il faut apprendre à demander son chemin6, à lire la carte7. Bref, elle refuse de faire croire que le pardon ne serait qu'un concept8.
D'ailleurs, pour Lui, le Christ, le Salut c'est quelque chose de très incarné : "Tu n’as pas voulu de sacrifices ni d’offrandes, mais tu m’as fait un corps" : c'est dans ce corps qu'il s'est fait, en tout, obéissant. Le corps n'est pas la source du péché, mais le creuset de la résurrection !
Heb. 10,5-10. Frères, en entrant dans le monde, le Christ dit, d’après le Psaume : Tu n’as pas voulu de sacrifices ni d’offrandes, mais tu m’as fait un corps. Tu n'as pas accepté les holocaustes ni les expiations pour le péché ; alors, je t'ai dit : Me voici, mon Dieu, je suis venu pour faire ta volonté, car c'est bien de moi que parle l'Écriture. Le Christ commence donc par dire : Tu n'as pas voulu ni accepté les sacrifices et les offrandes, les holocaustes et les expiations pour le péché que la Loi prescrit d'offrir. Puis il déclare : Me voici, je suis venu pour faire ta volonté. Ainsi, il supprime l'ancien culte pour établir le nouveau. Et c'est par cette volonté de Dieu que nous sommes sanctifiés, grâce à l'offrande que Jésus Christ a faite de son corps, une fois pour toutes.
Nous sommes comme Jean-Baptiste dans le ventre d'Elisabeth : des sauvés en devenir ; déjà nous tressaillons d'allégresse. Aussi, je me permets de vous souhaiter (chose incongrue dans l'ancien culte mais qui fait sens en Jésus) une joyeuse confession d'Avent.
- 1. Nul doute d'ailleurs que certains d'entre-nous le croient, bien l'idée soit complètement étrangère au catholicisme et plus largement au christianisme
- 2. en tout cas, ne sauraient constituer notre salut et encore moins une quelconque réparation de nos fautes
- 3. C.S. Lewis
- 4. vous irez, hein ?
- 5. si des prêtres me lisent, je serais ravi d'en découvrir plus !
- 6. ça s'appelle faire confiance au discernement des frères
- 7. ça s'appelle la bible
- 8. si c'était le cas, on pourrait -sans se tromper soi-même- prévoir de se repentir, planifier sa conversion...