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TDC 016 - Le Mystère de la Création et de l'innocence originelle

TDC 016 - Le Mystère de la Création et de l'innocence originelle

Publié par Incarnare le samedi 05/09/2009 - 00:56

1. La réalité du don et de l'acte de donner que les premiers chapitres de la Genèse nous présentent comme élément constitutif du mystère de la création confirme que le rayonnement de l'Amour est partie intégrante de ce mystère même. L'Amour seul crée le bien et lui seul peut, en définitive, être perçu dans toutes ses dimensions et sous tous ses profils dans les choses créées et surtout dans l'homme. Sa présence est quasi le résultat final de cette herméneutique du don à laquelle nous nous livrons. La félicité originelle, le "commencement" de l'être humain que Dieu "créa homme et femme" (Gn 1,27), la signification conjugale du corps dans sa nudité originelle: tout cela exprime l'enracinement dans l'Amour.
Ce "donner" cohérent qui remonte jusqu'aux racines les plus profondes de la conscience et du subconscient, aux couches ultimes de l'existence subjective de tous deux, homme et femme, et qui se reflète dans leur réciproque expérience du corps témoigne l'enracinement dans l'Amour. Les premiers versets en parlent tellement qu'ils éliminent le moindre doute. Ils parlent non seulement de la création du monde et de l'homme dans le monde, mais aussi de la grâce, c'est-à- dire de la communication mutuelle de la sainteté, du rayonnement de l'Esprit qui produit un certain état de "spiritualisation" dans cet homme qui, en fait, fut le premier. Dans le langage biblique, c'est-à-dire dans le langage de la Révélation, la qualification de "premier" signifie précisément "de Dieu": "Adam, fils de Dieu" Lc 3,38

2. La félicité est l'enracinement dans l'Amour. La félicité originelle nous parle du "commencement" de l'homme qui est issu de l'Amour et a donné son commencement à l'amour. Et ceci s'est passé de manière irrévocable, malgré le péché qui a suivi, et malgré la mort. A son heure, Jésus sera témoin de cet amour irréversible du Créateur et Père qui était déjà exprimé dans le mystère de la création et dans la grâce de l'innocence originelle. Et c'est également pourquoi le "commencement" de l'homme et de la femme, c'est-à-dire la vérité originelle de leur corps dans la masculinité et dans la féminité sur laquelle Gn 2,25 attire notre attention, ne connaît pas la honte. On peut également définir ce "commencement" comme immunisation contre la honte par effet de l'amour.

3. Une telle immunité nous oriente vers le mystère de l'innocence originelle de l'homme. Elle est un mystère de son existence, antérieure à la connaissance du bien et du mal et pour ainsi dire "à l'extérieur" de celle-ci. Le fait que l'homme existe de cette manière, antérieurement à la rupture de sa première Alliance avec son Créateur, appartient à la plénitude du mystère de la création. Si, comme nous l'avons déjà dit, la création est un don fait à l'homme, alors sa plénitude, sa dimension la plus profonde, sont déterminées par la grâce, c'est-à-dire par la participation à la vie intérieure de Dieu lui-même, à sa sainteté. Elle est également, dans l'homme, le fondement intérieur et la source de son innocence originelle. C'est par ce concept - et plus précisément par celui de "justice originelle" - que la théologie définit l'état de l'homme avant le péché originel. Dans la présente analyse de l'"origine", qui nous aplanit les chemins indispensables pour comprendre la théologie du corps, nous devons nous pencher un moment sur le mystère de l'état originel de l'homme. En effet, cette conscience du corps - ou mieux, la conscience de la signification du corps - que nous cherchons à mettre en lumière par l'analyse de "l'origine", c'est elle précisément qui révèle la caractéristique de l'innocence originelle.
Ce qui se révèle probablement le plus, et de manière directe, dans Gn 2,25, c'est justement le mystère de cette innocence que tant l'homme que la femme des origines portent chacun en soi. Leur propre corps est en un certain sens le témoin oculaire de cette caractéristique. Un fait significatif est que l'affirmation contenue en Gn 2,25 - "ils étaient nus tous deux et n'en avaient point honte" (*) - est une information unique en son genre dans toute la Bible et elle ne sera jamais répétée. Par contre, nous pouvons citer de nombreux textes où la nudité sera liée à la honte ou, dans un sens encore plus fort, directement à l'"ignominie". Dans cet ample contexte apparaissent d'autant plus visibles les raisons pour découvrir dans Gn 2,25 une trace particulière du mystère de l'innocence originelle et un facteur particulier de son rayonnement dans le sujet humain. Une telle innocence appartient à la dimension de la grâce contenue dans le mystère de la création, c'est-à-dire à ce don mystérieux fait au plus intime de l'homme - au "coeur" humain - qui permet à tous deux, homme et femme, d'exister, dès l'origine, dans la relation réciproque du don désintéressé de soi. En ceci sont contenues, ensemble, la révélation et la découverte de la signification "conjugale" du corps dans sa masculinité et féminité. On comprend pourquoi nous parlons dans ce cas de révélation et en même temps de découverte. Au point de vue de notre analyse, il est essentiel que la découverte de la signification conjugale que nous relevons dans le témoignage du Livre de la Genèse se réalise à travers l'innocence originelle; et même, c'est cette découverte qui la révèle et la met en évidence.
(*) - La " nudité " dans le sens de "absence de vêtement" signifiait, dans le Moyen-Orient ancien, l'état d'abjection de l'homme privé de liberté: celui des esclaves, des prisonniers de guerre ou des condamnés, de ceux qui ne jouissent pas de la protection de la loi. La nudité des femmes était considérée comme déshonneur (cf. par ex. les menaces des prophètes: Os 1,2 Ez 23,26-29. L'homme libre, soucieux de sa dignité, devait s'habiller somptueusement: plus ses vêtements étaient ornés et plus haute était sa dignité (cf. par ex. les vêtements de Joseph qui excitaient la jalousie de ses frères, ou des pharisiens qui allongeaient leurs franges). La deuxième signification de "la nudité", au sens euphémiste, concernait l'acte sexuel. Le terme hébreu cerwat signifie un vide spatial (par exemple du paysage), une absence de vêtements, la spoliation, mais elle n'avait en soi rien d'ignominieux.

4. L'innocence originelle appartient au mystère de l'"origine" humaine dont l'homme "historique" s'est ensuite séparé en commettant le péché originel. Ce qui ne veut pas dire toutefois qu'il ne soit pas en mesure de s'approcher de ce mystère grâce à sa connaissance théologique. L'homme "historique" cherche à comprendre le mystère de l'innocence originelle comme à travers un contraste, c'est-à-dire en remontant également à l'expérience de sa propre faute et de son propre état de pécheur (*). Il cherche à comprendre l'innocence originelle comme caractéristique essentielle pour la théologie du corps, en partant de l'expérience de la honte; en effet le texte biblique lui-même l'oriente ainsi.
L'innocence originelle est donc ce qui exclut radicalement - c'est-à-dire à sa racine même - la honte du corps dans le rapport homme-femme, en élimine la nécessité dans l'homme, dans son coeur, c'est-à-dire dans sa conscience. Bien que l'innocence originelle parle surtout du don du Créateur, de la grâce qui a permis à l'homme de vivre le sens de la donation primaire du monde, et en particulier, dans ce monde, le sens de la donation réciproque de l'un à l'autre par la masculinité et féminité, cette innocence semble toutefois se référer avant tout à l'état intérieur du "coeur" humain, de la volonté humaine. Y sont incluses, au moins indirectement, la révélation et la découverte de la conscience morale humaine, la révélation et la découverte de la totale dimension de la conscience - évidemment avant la connaissance du bien et du mal. Il faut, en un certain sens, l'entendre comme rectitude originelle.
(*) "En effet, nous savons que la loi est spirituelle; mais moi je suis un être de chair, vendu au pouvoir du péché. Vraiment, ce que je fais, je ne le comprends pas: car je ne fais pas ce que je veux, mais je fais ce que je hais ... En réalité ce n'est plus moi qui accomplis l'action, mais le péché qui habite en moi. Car je sais que nul bien n'habite en moi, je veux dire dans ma chair; en effet, vouloir le bien est à ma portée, mais non pas l'accomplir; puisque je ne fais pas le bien que je veux et commets le mal que je ne veux pas. Or si je fais ce que je ne veux pas, ce n'est plus moi qui accomplis l'action mais le péché qui habite en moi. Je découvre donc cette loi: quand je veux faire le bien, c'est le mal qui se présente à moi. Car je me complais dans la loi de Dieu du point de vue de l'homme intérieur; mais j'aperçois une autre loi dans mes membres qui lutte contre la loi de ma raison et m'entraîne à la loi du péché qui est dans mes membres. Malheureux homme que je suis! Qui me délivrera de ce corps qui me voue à la mort? Rm 7,14-15 Rm 7,17-24. Cf. "Vidéo meliora proboque, détériora sequor" Ovide, Métamorphoses, VII, 20.

5. Dans le prisme de notre "a posteriori historique", nous cherchons donc à reconstruire d'une certaine manière la caractéristique de l'innocence originelle entendue, en tant qu'élément de la connaissance réciproque du corps, comme expérience de sa signification conjugale (suivant le témoignage de Gn 2,23-25. Etant donné que la félicité et l'innocence sont inscrites dans le cadre de la communion des personnes comme si, dans le mystère de la création, il s'agissait de deux fils convergents de l'existence de l'homme, la conscience béatifique de la signification du corps - c'est-à-dire de la signification conjugale de la masculinité et de la féminité - est conditionnée par l'innocence originelle. Il semble qu'ici rien n'empêche de voir dans cette innocence originelle une certaine "pureté de coeur" qui conserve une fidélité intérieure au don selon la signification conjugale du corps. Par conséquent, ainsi comprise, l'innocence originelle se manifeste comme un tranquille témoignage de la conscience qui, dans ce cas, précède n'importe quelle expérience du bien et du mal; et ce témoignage serein de la conscience est toutefois quelque chose d'autant plus béatifique. On peut dire, en effet, que la conscience de la signification conjugale du corps dans sa masculinité et féminité devient "humainement" béatifique uniquement grâce à ce témoignage.
Nous consacrerons notre prochaine méditation à ce sujet, c'est-à-dire au lien qui, dans l'analyse de l'"origine" de l'homme, se trace entre son innocence (pureté du coeur) et sa félicité.

- Le 30 janvier 1980

 
 

 

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