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L'Unité Originelle

L'Unité Originelle

Publié par Incarnare le samedi 22/08/2009 - 17:30

Toute la solitude de l'homme l'appelle à entrer en relation, avec une autre personne.

Alors l'Éternel Dieu fit tomber un profond sommeil sur l'homme, qui s'endormit; il prit une de ses côtes, et referma la chair à sa place. L'Éternel Dieu forma une femme de la côte qu'il avait prise de l'homme, et il l'amena vers l'homme.Et l'homme dit: Voici cette fois celle qui est os de mes os et chair de ma chair! on l'appellera femme, parce qu'elle a été prise de l'homme. C'est pourquoi l'homme quittera son père et sa mère, et s'attachera à sa femme, et ils deviendront une seule chair.1

Le sommeil d'Adam

Ce profond sommeil, en hébreu tardemah, se rencontre dans la Bible lorsque Dieu - et Lui seul - agit de manière puissante2. Ainsi, Adam ne prend pas part à la création d'Ève. La côte d'Adam ne signifie pas ainsi une prévalence d'un genre sur l'autre mais le partage d'une même nature

Nul doute qu'Adam entre dans ce sommeil avec le désir d'une autre personne avec qui entrer en communion.  Il en sort en quelque sorte recréé homme et femme. Ève est "os de mes os", c'est à dire qu'elle partage le corporéité d'Adam ; elle est "chair de ma chair", c'est à dire qu'à travers son corps, Adam voit une autre personne, un être charnel-spirituel comme lui. 

L'expression d'Adam est une expression d'émerveillement absolu devant le mystère que représente une autre personne ; elle pourrait être traduite : "voici un corps qui exprime une personne !"

Maintenant Adam est masculin (ish) et Ève féminine (isha) : auparavant, Adam était assexué, au sens où il était "sans [l'autre] sexe" : sans l'autre, la masculinité ou la féminité ne font pas sens. 

 

La communion dépasse et affirme la solitude

Selon Jean-Paul II , "le sens de l'unité originelle [...] s'exprime comme le dépassement de la frontière de la solitude et à la fois une affirmation de cette solitude"3. Que veut-dire le Pape ? 

Rappelons-nous que la solitude a deux signification distinctes : la première est l'absence de l'autre sexe vécue par Adam, qui se trouve ici dépassée. L'autre est la solitude face au créateur, qui se trouve affirmée : chacun est bien une personne distincte et capable d'aimer, car libre. C'est dans l'unité originelle que l'identité, en germe dans la solitude, trouve son expression complète. L'homme et la femme sont pleinement eux-mêmes, nous dit le Pape, lorsqu'ils vivent une Communio personarum, qu'ils sont une communion de personnes.

Ils sont alors pleinement eux-même c'est à dire qu'ils sont à l'image de Dieu. Ceci représente un développement théologique important : si auparavant, il avait été envisagé que l'homme était à l'image de la trinité, c'était de manière métaphorique ou en associant à chaque Personne trinitaire une qualité particulière (e.g. mémoire, intelligence et volonté). Là c'est la communion entre les personnes humaines qui est image de la Trinité, communion divine.

L'usage du pluriel dans le "Faisons-le à notre image" est un indice de la nature de la trinité. Le Christ confirme la validité de cette image lorsqu'il prie le Père : "qu'ils soient un comme nous sommes un."4. En faisant entrer l'union humaine - et plus précisément l'union sexuelle - comme image trinitaire dans le Magistère, Jean-Paul II franchit un seuil auquel St Augustin et St Thomas s'étaient arrêtés.

Ainsi, le verset "ils ne feront qu'une seule chair " a une portée très importante quant à la révélation de qui Dieu est et de qui nous sommes. Plus encore, il pointe vers ce à quoi nous sommes appelés : la communion des saints en communion avec la Trinité.

Deux dimensions de l'union "en une chair" exigent d'être analysées plus profondément : la dimension éthique et la dimension sacramentelle.

 

L'homme, sujet en relation

Ainsi, l'homme, pour l'Église n'est pleinement lui-même que lorsqu'il est en relation : le fait d'être en relation est au coeur de son identité profonde (et donc de sa vocation). Cette vision est loin de l'individualisme radical proposé par les sociétés occidentales.

Nous sommes créés pour Dieu. Cela ne signifie pas que Dieu ait besoin de nous, mais qu'il est le but de notre existence. De la même manière, lorsque nous disons que l'homme (et le création) existent pour la gloire de Dieu, reconnaissons avec le Catéchisme5 "qu'il a créé toutes choses "non pour accroître la Gloire, mais pour manifester et communiquer cette gloire ". Car Dieu n’a pas d’autre raison pour créer que son amour et sa bonté". 

Ce désir de relation qui habite l'homme ne peut en définitive être satisfait que dans la relation à Dieu : nous sommes appelés à être "partenaires de l'Absolu". C'est pourquoi le Christ, répondant aux pharisiens sur le mariage, évoque le Célibat pour le Royaume6 :

 Ce n'est pas tout le monde qui peut comprendre cette parole, mais ceux à qui Dieu l'a révélée. Il y a des gens qui ne se marient pas car, de naissance, ils en sont incapables ; il y en a qui ne peuvent pas se marier car ils ont été mutilés par les hommes ; il y en a qui ont choisi de ne pas se marier à cause du Royaume des cieux. Celui qui peut comprendre, qu'il comprenne !

 

L'acte conjugal, dès l'origine ?

Quelques Pères de l'Église grecs (parmi lesquels Grégoire de Nysse et Saint Jean Chrisostome) affirment qu'au paradis, l'homme et la femme ne se seraient pas unis "en une chair". Si l'on interprète trop rapidement leurs écrits, l'on pourrait croire que l'union charnelle sexuelle résulte du péché. Ce serait leur prêter trop hâtivement une suspicion pour le corps : Jean-Paul II répète à maintes reprises que l'union charnelle est voulue par le Créateur dès le commencement.

Rappelons que ce commencement n'est pas une préhistoire au sens temporel du terme : Jean-Paul II affirme également que le premier acte conjugal dans l'histoire (c'est à dire tel que nous le connaissons) a lieu en Gn 4,17.

Certains défendent la thèse de la virginité d'Adam et Ève avant le péché originel : cette position n'est pas irréconciliable avec l'idée précédente si l'on considère - avec raison, selon nous - que la virginité n'est pas une donnée purement physique. Quand Jean-Paul II évoque la valeur virginale originelle de l'homme et de la femme, il ne fait pas référence à l'absence de relation charnelle mais à l'unité originale entre le corps et l'âme de la personne.
Dans cette vision, Adam et Ève sont restés vierges jusqu'au péché originel car, quelle que soit le mode de l'union qu'ils aient connue avant celui-ci, cette union dans le don sincère et mutel respectait la personne de l'autre, qui ne perd ainsi pas sa valeur virginale originelle. 8

La virginité n'est donc pas d'abord un renoncement [à la sexualité] ou un signe biologique à préserver. Elle tient dans l'unité du corps et de l'âme. Il est ainsi possible, dans la rédemption par le Christ, de voir cette virginité restaurée et il est possible aux époux et épouses de surmonter progressivement la concupiscence9 et d'aimer comme le Christ aime. Cet amour est la vocation de tous les chrétiens : "Maris, aimez vos femmes comme le Christ aime l'Église"

Le mariage lui-même a ceci pour but : de restaurer notre valeur virginale originelle.Citons Jean-Paul II10:

 Quand ils s'unissent (dans l'acte conjugal) de manière si intime qu'ils en deviennent "une chair", l'homme et la femme redécouvrent chaque fois, et d'une façon particulière, le mystère de leur création. Ils retrouvent ainsi à cette union en humanité ("os de mes os et chair de ma chair") qui leur permet de se reconnaître l'un l'autre et, comme la première fois, de s'appeler par leur nom. Ainsi ils revivent d'une certaine manière la valeur virginale originelle de l'homme, qui vient de leur solitude devant Dieu et dans la création.

Les Époux - en confiant continuellement leur sexualité au Christ - font ainsi l'expérience d'une "réelle et profonde victoire" sur la concupiscence : dans le don sincère d'eux-mêmes, il découvrent leur identité profonde ; cette communion confirme la valeur virginale unique de chacun et l'irrépétabilité de leur personne.

Au commencement, la relation sexuelle ne portait pas atteinte à la relation sponsale de chacun avec Dieu mais la renforçait. A cause du péché originel, nous sommes tentés de chercher dans cette relation la satisfaction ultime à laquelle nous aspirons et qui ne peut être trouvée qu'en Dieu.
En effet, l'attirance sexuelle était un appel pour chacun à devenir un don sincère pour l'autre. Elle ne visait pas la satisfaction égoïste de son propre plaisir aux dépends de l'autre. Le désir et l'attirance étaient intimement liés avec notre liberté et notre capacité à choisir le don, qui nous distingue des animaux. Si l'attirance sexuelle est ressentie aujourd'hui uniquement comme un instinct, c'est le résultat du péché originel.

La force créatrice de la Communion

L'un des buts de la Théologie du Corps est donner des bases anthropologiques à l'enseignement d'Humanae Vitae. 
Nous sommes créés à l'image du Dieu-Amour. L'Amour tend à élargir cette communion en invitant à y participer. C'est cette vitalité de l'Amour trinitaire qui est à l'origine de notre création à partir du néant. Quand l'homme et la femme s'unissent, nous avons vu qu'ils renouvellent le mystère de la création, nous dit le Pape, "dans toute sa profondeur originelle et sa vitalité". Ils sont appelés à "pro-créer". Quel est l'impact de la contraception et de la stérilisation sur cette image ? Nous suivrons plus loin la réponse de Jean-Paul II.

  • 1. Gn 2,21-24
  • 2. On retrouve ce terme en Gn 15, lors de la promesse à Abraham, en 1Sa 26 lorsque David traverse le camp de l'ennemi lance à la main, ou dans Da 8 lorsque Dieu révèle à Daniel les fins dernières.
  • 3. TDC 9,2
  • 4. Jn 17,21-22
  • 5. CEC 293, citant Saint Bonaventure
  • 6. Mt 19,11-12
  • 7. pour la conception de Caïn
  • 8. Cette notion de valeur virginale originelle apporte un éclairage nouveau sur la virginité de Marie. Si celle-ci inclut bien l'absence de relation sexuelle (cf. Lc 1,34), la bénédiction particulière de Marie a une portée bien plus grande encore : l'intégrité de l'unité de son corps et de son âme ont été préservés, ce qui nous renvoie à l'Immaculée Conception.
  • 9. c'est à dire la volonté d'appropriation de l'autre, par opposition au désir qui est la volonté de se donner à l'autre
  • 10. TDC 10,2

 
 

 

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