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Rester jeûne

Rester jeûne

Publié par Incarnare le dimanche 13/03/2011 - 10:43 - Corps

A la lecture de l'évangile du jour, je reste... sur ma faim. Il y est dit que Jésus, « après avoir jeûné quarante jours et quarante nuits, eut faim ». Excuse-moi, mon Dieu, mais on ne boxe pas dans la même catégorie : moi, j'ai faim après quatre ou cinq heures tout au plus ; après une journée, j'ai une migraine pas possible qui m'éloigne assez efficacement de toute préoccupation spirituelle.

Alors quel sens pour le jeûne ? On lit ici que le jeûne est une arme spirituelle et là qu'il n'a de sens qu'avec la prière et l'aumône, avec au passage une belle citation de Saint-Augustin1. Mais ces choses-là, entendues depuis mon enfance, ne m'ont pas vraiment aidé. Et puis, mon rapport à la nourriture me semble plutôt sain, et je ne voyais pas en quoi il faudrait s'en priver.

Deux personnes m'ont aidées cette année, chacune à leur manière, à mieux comprendre ce qui est en jeu : J. Wilson et John H. Newman.

Le premier n'a pas été déclaré bienheureux, mais il a fait la Une du Catholic Herald pour avoir publiquement fait voeu de ne vivre pendant 40 jours... que de bière. Quand on lit l'article, on rigole au début en ce disant "quel ivrogne".. puis on réalise quand même que le gars, reprenant une tradition monastique bavaroise, va tout de même se priver de nourriture solide pendant 40 jours !

John H. Newman, de son côté, écrit dans ses homélies de carême, que :

Changer nos coeurs signifie d'apprendre à aimer des choses que nous n'aimons pas spontanément - et désapprendre l'amour de ce monde, ce qui suppose d'aller à l'encontre de nos désirs et goûts naturels. Être juste et obéissant nécessite la maîtrise de soi. Pour la posséder, nous devons la conquérir, et nous ne pouvons la conquérir sans une lutte continue contre soi-même. Le fait même d'être religieux implique le renoncement à soi, car nous n'aimons pas spontanément la religion. [...]

Qu'est ce que jeûner, sinon s'abstenir de ce à quoi nous pouvons légitimement prétendre ; pas simplement de ce qui nous pousse au péché, mais aussi des choses innocentes ? De ce pain que nous pourrions légitimement prendre et manger avec reconnaissance, mais qu'à certains moments nous nous refusons, comme renoncement à soi. Voici ce qu'est le renoncement à soi pour le chrétien : pas une simple mortification du péché, mais une abstinence, même des bénédictions de Dieu.

Je vois donc un double mouvement dans le jeûne du carême : le premier qui nous conduit à renoncer pour un temps à ces "plaisirs d'appréciation"2 pour assainir notre faim ; le second, qui nous invite à renoncer pour un temps à nos "plaisirs-besoins"3 pour creuser notre soif. C'est assez pédagogique, car il est moins dur de renoncer au petits plaisirs qu'au mal, mais cela contribue à nous décentrer de nous-mêmes.

Et puis, peut-être même que Jésus avait la migraine, lui aussi.

  • 1. «Le jeûne et l'aumône sont les deux ailes de la prière»
  • 2. qui ne sont pas essentiels pour notre vie, et auquel nous consentons de renoncer assez facilement (cigarette, bière ou chocolat, etc..), sauf quand ils ont fini par prendre une place disproportionnée
  • 3. peut-être pour redécouvrir en quoi ils peuvent aussi être plaisirs d'appréciation

 
 

 
 

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La presse se fait l'écho d'un livre du journaliste Ekke Overbeek indiquant que Karol Wojtyła, futur Pape Jean-Paul II (et aujourd'hui Saint Jean-Paul II) aurait avant son élection pontificale, en tant qu'archevêque de Cracovie, eu connaissance de témoignages de faits de pédo-criminalité (la presse ne relaie ni le nombre ni la nature des faits) et n'aurait pas apporté la réponse appropriée (à savoir le signalement des faits aux autorités civiles et le déclenchement d'une enquête canonique aboutissant au renvoi à l'état laïc des malfaiteurs).