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A Jean Moulin, l'Amour fait de la résistance...

A Jean Moulin, l'Amour fait de la résistance...

Au lycée Jean Moulin de Roubaix, l'élève est loin de n'être qu'un numéro et la vision intégrale de la personne humaine n'est pas un vain mot : la communauté socio-éducative du lycée a en effet démontré qu'une jeune femme enceinte n'était pas forcément un «cas soc'», ou persona non grata à l'école. L'initiative, récompensée par La Croix et la Fondation de France, consiste à créer autour de la jeune femme enceinte une véritable communauté d'information, d'aide et d'écoute. 

L'exemple de Jean Moulin

Tout part d'une prise de conscience : l'Education Nationale ne répond pas au problème des jeunes filles qui tombent enceinte pendant leur scolarité. La grossesse était jusque-là perçue comme un dysfonctionnement, voire une faute ; l'unique réponse était la pillule du lendemain pour les moins avancées, l'IVG pour les autres. Résultat, des échecs scolaires à répétition et une déscolarisation pour celles qui choisissent de vivre leur maternité. 

 « Une grossesse pour une lycéenne peut être inquiétante, mais pas forcément dramatique, avance Jean-François Pernot, psychologue désormais habitué à fréquenter les salles du lycée. Elle peut devenir problématique si elle est mal accompagnée.[...] »
« Il y a dix ans, quand on a vu arriver trente gamines enceintes au fil de l'année scolaire, on s'est dit qu'il fallait faire quelque chose, raconte Suzanne Six, énergique assistante sociale au lycée Jean-Moulin. Car beaucoup abandonnaient pour se consacrer à l'éducation de leur enfant, ou en venaient à se replier sur elles-mêmes. »

Le génie de l'équipe, c'est d'avoir compris que la jeune femme enceinte en milieu scolaire n'a pas besoin d'un accompagnement scolaire, mais d'une assistance pour assumer toutes les dimensions de sa maternité. En fait d'assistance, c'est un véritable filet de sécurité que l'équipe va déployer autour d'elles.

 Lancé en 2003, l'accompagnement des grossesses adolescentes [...] fédère ainsi tout un éventail de travailleurs sociaux pour relier entre eux la maternité, la Caisse d'allocations familiales, le psychologue, les conseillères conjugales ou encore le Crous.

Tous ces acteurs, ainsi que l'équipe pédagogique, se coordonnent pour assurer à la jeune fille les meilleures chances de réussite dans la poursuite de ses études. Pour cela, le contact est nécessairement humain : il ne s'agit pas d'institutions qui se renvoient un dossier, mais de personnes qui se consultent, se recommandent, suivent l'évolution de chaque jeune femme et la guident dans toutes les étapes. L'humain, la Personne, est au centre.

  Autour de l'assistante sociale, tous les personnels médico-sociaux prennent place, ils se connaissent, se tutoient : leurs rencontres régulières les confortent dans leur travail auprès des jeunes filles.  Travailler ensemble permet de se questionner sur des éléments souvent occultés : quelle école fréquente l'adolescente ? A-t-elle été à ses rendez-vous à la Caisse d'allocations familiales ? Ce à quoi le médecin ne pense pas toujours ! » . [...]
L'entraide chaleureuse entre professionnels permet aussi aux adolescentes de se sentir plus en sécurité. Autour d'un café, les travailleurs sociaux reviennent sur leur expérience commune. « Ce n'est pas pareil de dire Va au Centre médico-psychologique , que de dire Va voir M. Pernot, qui a une grosse voix mais n'est pas méchant , souligne encore le psychologue à la barbe éparse. C'est une adresse personnelle, qui permet de faire passer le lien de confiance. Et si la confiance est nouée avec un membre du réseau, l'adolescente passe de l'un à l'autre plus aisément. »

Cette coordination, ce suivi de chacune, perçue non pas comme un problème à résoudre, mais une personne à accompagner, se déploie dans toutes les dimensions de sa vie d'élève, de femme :

 L'infirmerie, [...] où s'expriment les maux routiniers des élèves, est aussi [le lieu où] les adolescentes enceintes au cours de leur scolarité viennent trouver le repos lorsqu'elles en ont besoin. « Elles ont droit à plus de compréhension pour leurs absences ou leurs pauses, car tout le réseau enseignant est informé », explique cette infirmière scolaire. [...]
Des plages d'examens sont aménagées pour certaines au moment favorable. [...] « Le plus important pour nous, c'est de gérer la poursuite de la scolarité, tout en rendant l'élève acteur de son devenir. » [...]
La Caisse d'allocations familiales reçoit chaque année 100 déclarations de grossesse de mineures à Roubaix. Un peu plus de la moitié de ces déclarations aboutissent à un rendez-vous, sous la forme d'un entretien spécifique pour les jeunes filles. Elles en ressortent informées sur les questions de garde d'enfant par exemple. « [...] On leur envoie carton d'invitation, on les relance, du coup ça les fait venir, surtout grâce au jeu de rebonds entre partenaires. »
La CAF a donc étendu différentes aides aux jeunes mamans qui ont déclaré leur grossesse avant l'âge de 18 ans, comme l'allocation de rentrée scolaire extra-légale ou l'aide à l'outillage : celle-ci consiste, pour les apprenties coiffeuses par exemple, en l'achat de paires de ciseaux et de matériel. Elle peut aussi assister celles qui font le choix de s'installer dans leur propre logement. Dans les faits, les situations de vie sont très diverses : l'adolescente peut vivre chez ses parents, seule, en couple, en foyer ; être sans ressources familiales et amicales ou au contraire soutenue par son entourage.

Résultat : des femmes épanouies dans la maternité et qui peuvent continuer leurs études, rassurées qu'elles sont de pouvoir les finir, par la prévenance des équipes d'accompagnement. 

 Souvent, les jeunes filles se manifestent à la naissance, ou passent peu après en visite, le bébé dans les bras. « Elles appellent ou envoient un court SMS, il pèse tant, mesure tant , car il y a quand même un registre affectif sous-jacent qui existe dans les relations avec nous, raconte Suzanne Six. C'est une manière de dire je vais bien , l'enfant va bien , mais aussi plus globalement vous avez fait du bon travail . » [...]
L'assistante sociale, retournée à son bureau débordant d'affiches, décrit ainsi le parcours de Myriam. « On l'a suivie enceinte alors qu'elle était en terminale, se souvient-elle. Elle a arrêté pendant un an, puis a fait un BTS, et aujourd'hui c'est l'une de nos collègues au sein même du lycée ! [...] Les jeunes filles qui pensent je suis enceinte, je dois tout arrêter , se trompent. »

Et nous dans tout ça ? 

La position de l'Église sur l'accueil de la vie est bien connue. Cependant, avons-nous réellement une attitude ouverte face à la vie ? Beaucoup d'entre nous comprennent la position de l'Église sur le refus de l'avortement comme solution (et l'exemple ci-dessus montre qu'il existe une autre option). Mais la vivons-nous vraiment, de manière incarnée, dans notre vie quotidienne ? 

Par exemple : nous sommes contre l'avortement, certes. Mais quel regard porterions-nous sur une jeune fille de 14 ans qui viendrait à la messe le dimanche, enceinte de 6 mois ? Ce regard serait-il plein d'amour et de bienveillance ? ne contiendrait-il pas quelques traces de jugements, voire de condamnation ? "Encore une qui a couché " ou, pire : "pécheresse"... Notre petit légalisme qui fait de nous des justes - dans notre esprit sans discernement, car un examen de conscience rapide nous ramènerait rapidement à la dure réalité - porte en germe la condamnation de nos frères. 

Il est urgent de réformer notre regard, de laisser le Christ regarder par nos yeux. Que, dans cette jeune femme qui, certes, n'avait peut être pas sans doute mesuré la portée du don de sa personne dans son corps, nous voyions plutôt celle qui a choisi d'aimer un homme, celle qui choisit de l'aimer encore aujourd'hui en portant son enfant, qui décide d'accueillir la vie alors même qu'elle s'en sent incapable et que le monde l'a laissée à son sort.

Je rêve d'une Église où chaque paroisse a une équipe d'accompagnement pour les jeunes femmes enceintes. Où elles sont accueillies, portées, dans la prière mais aussi dans le quotidien et le souci du prochain. Où elles peuvent venir se confier, partager leurs difficultés lorsque le fardeau paraît trop lourd à porter. Je rêve d'une Église où chaque paroisse accueille également celles qui ont fait le choix de l'IVG. Que probablement personne, et nous moins que les autres, n'avons su aimer au moment clé. Que peut être, par un regard acéré, nous avons condamnée. Qu'importe à la miséricorde que ce choix fût mauvais : c'est l'affaire de la justice.

Laissons au seul Juste la justice ; que nous, pardonnés, vivions la miséricorde.

 

Source : Les citations sont tirées du journal "La Croix", dans sa version papier du 16 septembre.
Elles sont réagencées par rapport à l'article originel. Les graissages et italiques sont de notre fait.

 

 
 

 
 

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