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De l'image de Dieu ou au Dieu de l'Image

De l'image de Dieu ou au Dieu de l'Image

Les femmes ne sont pas assez nombreuses au parlement français, mais la qualité de certaines compense bien ce déficit quantitatif ! En déposant une proposition de loi prévoyant que la mention "photo retouchée" soit obligatoire dès lors que le corps d'une personne a été altéré par informatique, la députée Valérie Boyer rend un grand service aux femmes et aux hommes de son pays. Elle n'a pas hésité pour cela à prendre des positions risquées car complexes et nuancées.

On a beaucoup parlé de retouche d'image au moment de l'« affaire Sarkozy » et de ses bourrelets disparus, ou de la disparition de la bague de Dati, certains dénonçant la complaisance des journalistes à l'égard du politique. Mais la mise au premier plan de la gestion professionnelle de l'image des politiques cache la vraie question: comment représente-on la personne ? dans quel but ? Notre société a en effet méthodiquement, petit à petit, rendu les individus esclaves de l'image.

 

Une représentation faussée de la personne ?

Une campagne virale, lancée par Dove en octobre 2006 pour soutenir son action "pour toutes les beautés", illustre bien le processus de fabrication de l'image, notamment de l'image commerciale. Sur la vidéo ci-dessous, l'on peut voir qu'une femme jolie, sans pour autant correspondre aux canons de beauté, subit d'abord un passage en "soins - de beauté - intensifs". Puis, étant sans doute jugée imparfaite, elle fait l'objet d'une retouche conséquente avec un logiciel de traitement d'image bien connu. A l'arrivée, il y a peu en commun entre le modèle et la publicité pour le cosmétique fictif présenté ici. Le slogan : "Pas étonnant que notre perception de la beauté soit distordue".

 

Dans quel but ?

A la lumière de la proposition de loi Boyer

Les motifs de la proposition de la loi Boyer mettent en évidence - en négatif - l'objectif d'une telle perception de la personne.

 L’insertion du dispositif dans le code de la consommation à travers la sanction d’une pratique commerciale [...] n’est pas pleinement pertinente au regard de l’objectif poursuivi par la proposition de loi. Bien qu'[il s'agisse] de protéger le consommateur en tant que tel (contre une tromperie sur la nature, les caractéristiques du produit vendu, ou une technique de vente abusive), [il s'agit] aussi de lutter contre la diffusion d’une « représentation erronée de l’image du corps dans notre société », laquelle peut contribuer au développement de divers troubles psychologiques, notamment du comportement alimentaire.

Si l'on suit Valérie Boyer, on voit donc qu'il y a deux enjeux : un enjeu commercial, c'est à dire que le consommateur à qui l'on vend un produit avec l'aide de photos trafiquées est victime d'une technique abusive de vente, et un enjeu de santé public, c'est à dire que l'exposition permanente à ces images de corps retouchés affectent notre perception même du corps et entraîne chez une partie de la population des troubles psychologiques.

En revanche, je disconviens respectueusement avec Mme Boyer lorsqu'elle écrit, juste après :

En revanche, la retouche photographique d’un mannequin sur une publicité pour un véhicule est certes trompeuse mais ne constitue pas une tromperie sur les qualités du produit pour le consommateur, en tout cas pas plus que la retouche du paysage en arrière-plan.

Le marketing et l'asservissement de la femme au produit

Si les professionnels du marketing dénaturent à ce point la personne, c'est qu'il y a à la clé un gros paquet d'argent : près 170 milliards de dollars en 2009 pour le seul secteur de la cosmétique... mais ce serait oublier l'habillement et la mode, notamment la lingerie, grandes consommatrices d'images retouchées et, comme nous le rappel V. Boyer... les voitures ! (ajoutons les yoghourts etc..) 

Le principe du marketing est de créer le désir. Le désir n'est pas mauvais en soi : nous sommes des êtres de désirs ! Nous désirons le bien et ainsi faisons le bien : le désir nous sort de notre passivité pour nous pousser dans l'action.

Cependant, il y a - au moins - deux manières de faire survenir le désir : la première consiste à proposer quelque chose de vraiment désirable. Tenons pour vrai que ce qui est désirable per se, c'est ce qui est beau, bon et vrai, et convenons ensemble que le dernier shampoing l'Oréal n'est pas l'archétype du désirable. La seconde méthode consiste à créer un manque : en jouant ainsi sur l'insatisfaction on provoque l'acte d'achat. 

La seconde méthode est beaucoup plus productive d'un point de vue marketing : tout d'abord elle dispense de créer un bien réellement désirable : dans le "produit de beauté", le produit ne produit pas la beauté, il ne fait au mieux que la souligner, alors que la publicité suggère qu'on vous "vend la beauté". De plus, elle s'auto-entretetient : votre énième masque ne vous ayant pas rendu(e) semblable à la femme sur l'affiche, vous ressentez le besoin d'essayer le n+1ième produit qui va sortir demain. 

Ce marketing de l'insatisfaction agit à deux niveaux : sur le désir d'être et sur le désir d'avoir. Ces deux procédés sont très similaires et c'est pourquoi je récuse la seconde position de Valérie Boyer : la publicité pour la voiture dont on se demande, de la voiture ou du mannequin, lequel est vendu, suggère implicitement que l'homme qui achètera la voiture fera des conquêtes dignes de la femme - fantasmée car retouchée - représentée sur l'affiche. La publicité pour le produit de beauté ne fait que suggérer aux femmes qu'elles peuvent être cette femme. 

Dans les deux cas, la femme présentée est abaissée au rang d'objet pour la vente : après tout, ne pourrait-on pas imaginer des affiches où la lingerie est présentée sur un support ? Notez qu'il ne s'agit pas là d'une position motivée par une quelconque pruderie : le problème n'est pas que le corps féminin soit exposé et mis en valeur. Le problème est que ce corps, au lieu de présenter une personne irreproductible, est souvent anonymisé et réduit à quelques stéréotypes ou mensurations dans lesquels la femme est invitée à se projeter, selon lesquelles on lui impose de se formater. L'on pourrait m'objecter que c'est là une vision de mec qui réduit le corps à ses mensurations, et que c'est mon regard qui est faux ; cependant, la vidéo ci-dessus montre bien la fausseté de la représentation du corps, avant même sa perception.
 

Se rendre aimable pour être aimé(e)

Ce marketing de l'insatisfaction est d'autant plus dangereux pour la femme dans le cas du désir d'être, car il s'appuie sur une rhétorique implicite : on suggère à la femme qu'il lui faut être aimable pour être aimée et on la persuade que ce qu'elle est aujourd'hui n'est pas aimable. C'est d'autant plus vicieux que le modèle proposé est hors d'atteinte (puisque "même" une mannequin subit des retouches informatiques) et conduit en masse à la détestation de sa propre image.

La perversion est en fait introduite dès le départ : l'idée qu'il faille être aimable pour être aimé(e). C'est parce que nous sommes aimés et voulus - par Dieu, qui a jugé que nous étions "très bons" - que nous sommes aimables. C'est parce que le Christ a donné sa vie pour chacun de nous que chacun prend à nos yeux une dimension nouvelle !

Mesdames, mesdemoiselles : prenez conscience que votre désir d'être est avant tout un désir - légitime - d'être désirée. Mais allons plus loin : voulez-vous être désirée pour votre correspondance à un canon quelconque (par exemple 90/60/90) ? ou voulez-vous être désirée et aimée pour toute votre personne ? Le premier désir n'est pas un vrai désir : c'est de la convoitise et l'homme qui vous regardera ainsi ne verra en vous qu'une instance de son propre fantasme.

C'est le piège du marketing de l'insatisfaction pour l'homme par le désir d'avoir. Il nous invite à désirer un produit pour avoir une femme comme celle qui est proposée par un stéréotype, là aussi inatteignable. Ce désir forcément insatisfait ne peut que nous enfermer et nous conduire à louper le véritable mystère des femmes, bien réelles elles, qui nous entourent. 

Messieurs : nous avons la responsabilité de corriger notre désir, afin que les femmes soient libres de se présenter dans toute leur beauté et leur unicité. De reconnaître qu'elles sont faites à l'image de Dieu et ainsi belles et désirables, et non d'espérer qu'elles correspondront au Dieu-image.

 

Le réel, insuffisant ?

Pourquoi la femme irréelle est-elle dotée d'une telle puissance d'attraction ? Le réel - c'est-à-dire la création - serait-il donc imparfait ? Au lieu de tenir pour acquise une telle idée (qui non conduit directement à penser l'imperfection du Dieu créateur, qui a dit de nous que nous étions "très bons"), réalisons qu'est inscrit au coeur de chacun de nous la capacité de désirer. Mieux, une capacité à penser 1 et désirer l'infini, l'Absolu.

Saint-Augustin2 disait que, parce que Dieu nous a faits pour Lui, notre coeur est sans repos tant qu'il ne demeure en Lui. Et nous sommes en cela bien faits à son image : lui aussi nous désire abondamment. De la croix il s'écrit : J'ai soif ! Soif de nous

La puissance de notre désir, originellement orienté vers l'autre, peut se retourner contre nous dans la tentation de vouloir être le centre de notre propre vie. De la même manière que nos oreilles ne sont pas faites pour percevoir le son de notre voix - qu'invariablement nous trouvons déplaisant - et que nos yeux ne sont pas faits pour s'auto-contempler, notre désir n'est pas fait pour être tourné vers nous-même. Face à nous mêmes, nous nous condamnons alors avec certitude : c'est l'autre qui nous révèle notre propre beauté.

L'utilisation de produits de beauté trouve un sens nouveau : il ne s'agit pas de masquer qui je suis (le fameux masque porte bien son nom) mais de le révéler plus profondément. 

 

La domination sur le corps

Si l'Evangile nous appelle à ne pas nous laisser dominer par les pulsions immédiates de notre corps, il ne rejette pas le corps. Ainsi, la domination chrétienne du corps est avant-tout une maîtrise de soi et de l'empire sur soi de ses désirs : elle vise la liberté de la personne, corps et âme.

Il existe une forme de domination du corps qui lui est radicalement opposée, qui est celle vécue notamment dans l'anorexie mentale. Là, l'esprit veut dominer le corps et imposer sur lui l'empire de désirs certes non charnels mais toujours liés à une volonté de toute-puissance. La force de l'esprit s'y manifeste par l'écrasement du corps.

 

 

L'urgence à réformer

La publicité et son lot de mannequins décharnés et amincis offrent, aux femmes qui vivent de cette manière la tentation - universelle - de vouloir être son propre créateur, un irréel à atteindre (et la réalité dépasse malheureusement souvent la fiction). De telles images, appelées thinspiring - traduisez "mince-pirante", sont un véritable danger.

En souligner le caractère fictif est un enjeu de santé publique, mais plus encore un enjeu de rédemption de l'image de soi et de l'autre. La manière de vivre le corps de la société influe directement sur tous ses membres. Et cette vision distordue du corps va loin puisqu'un simple visionnage d'une vidéo de Benoît XVI peut apporter des publicités dont on a du mal à percevoir le lien avec la vidéo :

 

 
 

 
 

A la une

Car tous ont péché...

La presse se fait l'écho d'un livre du journaliste Ekke Overbeek indiquant que Karol Wojtyła, futur Pape Jean-Paul II (et aujourd'hui Saint Jean-Paul II) aurait avant son élection pontificale, en tant qu'archevêque de Cracovie, eu connaissance de témoignages de faits de pédo-criminalité (la presse ne relaie ni le nombre ni la nature des faits) et n'aurait pas apporté la réponse appropriée (à savoir le signalement des faits aux autorités civiles et le déclenchement d'une enquête canonique aboutissant au renvoi à l'état laïc des malfaiteurs).