TDC 123 - L'amour est lié à la chasteté qui se manifeste comme maîtrise de soi
1. Nous continuons à définir les traits de spiritualité conjugale à la lumière de l'encyclique Humanae Vitae.
Suivant la doctrine qu'elle contient, conformément aux sources bibliques et à toute la tradition, l'amour est - au point de vue subjectif - une "force", c'est-à-dire une faculté de l'esprit humain, de caractère théologique (ou plutôt "théologal"). C'est donc la force donnée à l'homme pour participer à cet amour par lequel Dieu lui-même aime dans le mystère de la Création et de la Rédemption. C'est cet amour qui "se complaît dans la vérité" 1Co 13,6), c'est-à- dire l'amour dans lequel s'exprime la joie spirituelle (le "fruit" augustinien) de toute valeur authentique: ouissance semblable à celle du Créateur lui-même lorsqu'il "il vit tout ce qu'il avait fait" et trouva que "c'était très bien" Gn 1,31
Si les forces de la concupiscence tentent de séparer de la vérité le langage du corps, si elles tentent de le falsifier, la force de l'amour, au contraire, le corrobore toujours de nouveau dans cette vérité afin que le mystère de la Rédemption puisse fructifier en elle
2. Ce même amour qui rend possible le langage conjugal et fait qu'il se réalise suivant la pleine vérité de la vie des époux est en même temps une force, c'est-à-dire une faculté de caractère moral, orientée activement vers la plénitude du bien et, pour cela même, orientée vers tout véritable bien. C'est pourquoi sa tâche consiste à sauvegarder l'unité inséparable des deux significations de l'acte conjugal dont il est question dans HV 12, c'est-à-dire à protéger aussi bien la valeur de la véritable union des conjoints (donc de la communion personnelle) que celle de la paternité et maternité responsables (dans leur forme mûrie et digne de l'homme).
3. Suivant le langage traditionnel, l'amour, cette force supérieure, coordonne les actions de la personne, du mari et de la femme, dans le cadre des fins du mariage. Bien que ni la constitution conciliaire ni l'encyclique n'utilisent - quand elles affrontent le sujet - les expressions jadis habituelles, elles n'en traitent pas moins de ce à quoi se réfèrent les expressions traditionnelles.
Comme force supérieure que l'homme et la femme reçoivent de Dieu en même temps que la particulière "consécration" du sacrement de mariage, l'amour comporte une coordination droite des fins selon lesquelles - dans l'enseignement traditionnel de l'Eglise - se constitue l'ordre moral (ou plutôt théologal et moral) de la vie des époux.
La doctrine de la constitution Gaudium et Spes et de même celle de l'encyclique Huamane Vitae, projettent une lumière sur le même ordre moral dans leur référence à l'amour, entendu comme force supérieure qui confère contenu et valeur adéquats aux actes conjugaux, selon la vérité des deux significations, l'unitive et la procréatrice, en plein respect de leur caractère inséparable.
Dans cette présentation rénovée, l'enseignement traditionnel sur les fins du mariage (et leur hiérarchie) se trouve confirmé et en même temps approfondi du point de vue de la vie intérieure des conjoints, c'est-à-dire de la spiritualité conjugale et familiale.
4. La tâche de l'amour, qui est "effusion des coeurs" Rm 5,5 des époux comme force spirituelle fondamentale de leur pacte conjugal consiste, comme il a été dit, à protéger tant la valeur de la véritable communion des époux, que celle de la paternité-maternité vraiment responsable. La force de l'amour - authentique au sens théologique et éthique - s'exprime dans le fait que l'amour unit correctement les deux significations de l'acte conjugal, excluant non seulement en théorie, mais aussi en pratique la contradiction qui pourrait se révéler en ce domaine. Cette contradiction constitue le plus fréquent motif d'objection contre l'encyclique Humanae Vitae et contre l'enseignement de l'Eglise. Il suffit d'une analyse approfondie, non seulement théologique mais aussi anthropologique (nous avons cherché à le faire dans toute la présente réflexion), pour démontrer qu'il ne faut pas parler ici de contradiction mais seulement de difficulté. Or l'encyclique elle-même souligne dans divers passages une telle difficulté.
Celle-ci découle du fait que la force de l'amour est greffée dans l'homme en proie aux embûches de la concupiscence. Dans les sujets humains, l'amour se heurte à la triple concupiscence 1Jn 2,16, particulièrement à la convoitise de la chair qui déforme la vérité du langage du corps. C'est pourquoi, l'amour lui-même n'est pas en mesure de se réaliser dans la vérité du langage du corps sinon moyennant la domination sur la concupiscence.
5. Si l'élément clé de la spiritualité des époux et des parents - cette force essentielle que les époux doivent continuellement tirer de la consécration sacramentelle, - est l'amour, cet amour est par nature, comme il résulte du texte de HV 20 lié à la chasteté qui se manifeste comme maîtrise de soi, c'est-à-dire comme continence: en particulier, comme continence périodique. Dans le langage biblique, l'auteur de l'épître aux Ephésiens semble faire allusion à cela, quand, dans son texte classique, il exhorte les époux à être soumis les uns aux autres dans la crainte du Christ. Ep 5,21
On peut dire que l'encyclique Humanae Vitae constitue précisément le développement de cette vérité biblique concernant la spiritualité chrétienne conjugale et familiale. Toutefois, pour le rendre encore plus manifeste se révèle nécessaire une analyse plus profonde de la vertu de continence et de sa signification particulière pour la vérité du mutuel langage du corps dans la coexistence conjugal et (indirectement) dans le vaste domaine des rapports réciproques de l'homme et de la femme.
Nous entreprendrons cette analyse au cours des prochaines réflexions du mercredi.
- 10 octobre 1984