Vous êtes ici

TDC 038 - La signification de l'adultère transférée du corps au coeur

TDC 038 - La signification de l'adultère transférée du corps au coeur

Publié par Incarnare le samedi 05/09/2009 - 20:20

1. Dans le Sermon sur la Montagne, le Christ se limite à rappeler le commandement: "Tu ne commettras pas l'adultère", sans porter de jugement de valeur sur le comportement relatif de ses auditeurs, Ce que nous avons dit précédemment sur ce sujet provient d'autres sources (en particulier du discours du Christ aux pharisiens où il se référait au "commencement") Mt 19,8 Mc 10,6. Dans le Sermon sur la Montagne, le Christ omet un tel jugement de valeur, ou plutôt le présuppose. Ce qu'il dira dans la deuxième partie de l'énoncé, qui commence par les mots: "Mais moi je vous dis ..." ce sera quelque chose de plus que dans la polémique avec les "docteurs de la Loi", c'est-à-dire avec les moralistes de la Torah. Et ce sera aussi quelque chose de plus en ce qui concerne l'ethos de l'Ancien Testament. Ce sera un passage direct à l'ethos nouveau.
Le Christ semble laisser de côté toutes les disputes sur la signification éthique de l'adultère au plan de la législation et de la casuistique, où le rapport essentiel interpersonnel du mari et de la femme avait été notablement oblitéré par le rapport objectif de propriété - et prenait une autre dimension. Le Christ déclare: "Et moi je vous dis: quiconque regarde une femme avec convoitise a déjà, dans son coeur, commis l'adultère avec elle." Mt 5,28. Devant ce passage vient toujours à l'esprit l'ancienne traduction: "l'a déjà rendue adultère dans son coeur", version qui, mieux peut-être que le texte actuel, exprime le fait qu'il s'agit d'un pur acte intérieur et unilatéral. Ainsi donc, "l'adultère commis dans le coeur" est, en un certain sens, opposé à l'"adultère commis dans le corps".
Nous devons nous interroger sur les raisons pour lesquelles se trouve déplacé le point de gravité du péché et nous demander de plus quelle est la signification authentique de l'analogie: si en effet l'"adultère", selon sa signification fondamentale, peut être seulement un "péché commis dans le corps" dans quel sens ce que l'homme commet dans son coeur mérite également d'être appelé adultère? Les mots par lesquels le Christ établit le fondement du nouvel ethos exigent de leur côté un profond enracinement dans l'anthropologie. Avant de faire droit à ces requêtes, arrêtons-nous quelque peu sur l'expression qui, selon Mt 5,27-28 effectue d'une certaine manière le transfert, ou mieux, le déplacement de la signification de l'adultère du "corps" au "coeur". Ce sont des mots qui concernent le désir.

2. Le Christ parle de la concupiscence: "Quiconque regarde pour désirer". Précisément cette expression exige une analyse particulière pour qu'on en comprenne la signification dans son intégralité. Il faut ici se reporter à l'analyse précédente qui visait, disais-je, à reconstruire l'image "de l'homme de la concupiscence" dès le commencement de l'histoire Gn 3. Cet homme dont parle le Christ dans le Sermon sur la Montagne - l'homme qui "regarde pour désirer" - est indubitablement un homme de concupiscence. Pour ce motif même, parce qu'il participe à la concupiscence du corps, il désire et "regarde pour désirer". L'image de l'homme de concupiscence, reconstruite dans la phase précédente, nous aidera maintenant à interpréter le "désir" dont parle le Christ Mt 5,27-28. Il s'agit ici non seulement d'une interprétation psychologique, mais, en même temps, d'une interprétation théologique. Le Christ parle dans le contexte de l'expérience humaine et, en même temps, dans le contexte de l'oeuvre du salut. D'une certaine façon, ces deux contextes se superposent et se compénétrent: et cela revêt une signification essentielle et constitutive pour tout l'ethos de l'Evangile, et en particulier pour le contenu du verbe désirer ou "regarder pour désirer".

3. En se servant de telles expressions, le Maître, tout d'abord, se réfère à l'expérience de ceux qui l'écoutaient directement et, par le fait même, se réfère à l'expérience et à la conscience de l'homme de tous les temps et de tous les lieux. Certes, le langage évangélique revêt une portée universelle. Mais pour un auditeur direct, dont la conscience avait été formée par la Bible, le "désir devait se relier à de nombreux préceptes et commandements, présents surtout dans les livres de caractère "sapientiel", où apparaissaient de nombreux avertissements sur la concupiscence du corps et aussi des conseils sur la manière de s'en préserver.

4. Comme on le sait, la tradition sapientielle s'intéressait particulièrement à l'éthique et aux bonnes moeurs de la société israélite. Dans les avertissements et conseils figurant par exemple dans le Livre des Proverbes Pr 5,3-6 Pr 5,15-20 Pr 6,24-7,27 Pr 22,14 Pr 30,20 ou du Siracide Si 7,19 Si 7,24-26 Si 9,1-9 Si 23,22-27 Si 25,13-26 Si 36,21-25 Si 42,6 Si 42,6 Si 42,9-14

ou enfin de Qohéleth Qo 7,26-28 Qo 9,9,
ce qui nous frappe dès l'abord, c'est un certain caractère unilatéral, dans la mesure où les avertissements s'adressent surtout aux hommes. Cela peut signifier qu'ils sont particulièrement nécessaires à ces derniers. Quant à la femme, il est vrai que, dans ces avertissements et ces conseils, elle apparaît plus fréquemment comme une occasion de péché ou même comme une séductrice dont il convient de se garder. Il importe toutefois de reconnaître que, aussi bien le Livre des Proverbes que le Livre du Siracide, en plus de l'avertissement de se garder de la femme et de la séduction de sa fascination qui entraînent l'homme au péché Pr 5,1-6 Pr 6,24-29 Si 26,9-12 font également l'éloge de la femme qui est une "parfaite" compagne de vie pour son mari Pr 31,10 et s. et, par ailleurs, célèbrent la beauté et la grâce d'une bonne épouse, qui sait rendre heureux son mari.
Note - C'est la grâce des grâces qu'une femme pudique, et rien qu'on puisse estimer davantage qu'une personne chaste. Semblable au soleil qui s'élève dans les hauteurs du ciel est la beauté d'une femme parfaite dans sa maison bien tenue. Comme la lampe qui brille sur le chandelier sacré, tel apparaît un beau visage sur un corps bien planté. Des colonnes d'or sur une base d'argent, ainsi de belles jambes sur des talons solides ... Le charme d'une femme fait la joie du mari et son savoir-faire assure son bien-être. Si 26,15-18 Si 13 i

5. Dans la tradition sapientielle un fréquent avertissement contraste avec l'éloge ci-dessus de la femme- épouse. Il a trait à la beauté et à la grâce de la femme, qui n'est pas l'épouse, et il est source de tentation et occasion d'adultère: "Ne désire pas sa beauté en ton coeur" Pr 6,25 Dans le Siracide Si 9,1-9, le même avertissement est exprimé d'une manière plus péremptoire: "Détourne ton regard d'une jolie femme, n'attache pas tes regards sur une beauté qui ne t'appartient pas. Beaucoup ont été égarés par la beauté d'une femme, l'amour s'y allume comme un feu. Si 9,8-9
Les textes sapientiaux ont une signification principalement pédagogique. Ils enseignent la vertu et s'efforcent de protéger l'ordre moral en se référant à la loi de Dieu et à l'expérience largement comprise. En outre, ils se caractérisent par la particulière connaissance du "coeur humain. Nous dirions qu'ils développent une psychologie morale spécifique sans tomber pour cela dans le psychologisme. En un certain sens, ils sont proches de cet appel du Christ au coeur, que Matthieu nous a transmis Mt 5,27-28 encore qu'ils ne révèlent pas de tendance à transformer l'ethos de manière fondamentale. Les auteurs de ces livres utilisent la connaissance de l'intériorité humaine pour enseigner plutôt la morale dans le cadre de l'ethos historiquement en vigueur et confirmé substantiellement par eux. Il arrive que certains d'entre eux, par exemple Qohéleth, synthétisent une telle confirmation par leur propre "philosophie" de l'existence humaine. Mais cette philosophie, Si elle influe sur la façon dont ils formulent les avertissements etles conseils, ne change pas fondamentalement les structures porteuses de l'évaluation éthique.

6. Pour une telle transformation de l'ethos, il faudra attendre le Sermon sur la Montagne. Il n'en reste pas moins que cette connaissance très perspicace de la Psychologie humaine, présente dans la tradition "sapientielle", n'était certainement pas dépourvue de signification pour la recherche de ceux qui écoutaient en personne et immédiatement ce discours. Si, en vertu de la tradition prophétique, ces auditeurs étaient en un certain sens préparés à comprendre de manière adéquate le concept d'"adultère", par ailleurs, en vertu de la tradition "sapientielle", ils étaient préparés à comprendre les paroles qui se réfèrent au "regard concupiscent", c'est-à-dire à l'adultère commis dans le coeur".
Par la suite, il conviendra de nous livrer à l'analyse de la concupiscence dans le Sermon sur la Montagne.

- 3 septembre 1980

 
 

 

A la une

Car tous ont péché...

La presse se fait l'écho d'un livre du journaliste Ekke Overbeek indiquant que Karol Wojtyła, futur Pape Jean-Paul II (et aujourd'hui Saint Jean-Paul II) aurait avant son élection pontificale, en tant qu'archevêque de Cracovie, eu connaissance de témoignages de faits de pédo-criminalité (la presse ne relaie ni le nombre ni la nature des faits) et n'aurait pas apporté la réponse appropriée (à savoir le signalement des faits aux autorités civiles et le déclenchement d'une enquête canonique aboutissant au renvoi à l'état laïc des malfaiteurs).