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Désir des impuissants et puissance du désir

Désir des impuissants et puissance du désir

L'enfer est, dit-on, pavé de bonnes intentions. Ne doutons pas de la qualité des celles de Jean-François Chossy, notamment vu la constance de son implication en faveur des personnes handicapées12, lorsqu'il prône la création d'un métier d'assistant sexuel pour personne handicapée. 

Mais la qualité d'un homme3 ne doit pas aveugler sur la sottise de ses propositions ; et la détresse - quoique réelle et douloureuse - de certains ne saurait justifier tous les excès, comme a su le rappeler avec justesse Roselyne Bachelot. Car Chossy n'a rien trouvé de mieux, pour faire "évoluer les mentalités et changer le regard de la société sur les personnes handicapées", que de prostituer Marianne pour créer une sorte de service public de la sexualité, avec la sécu comme maquerelle.  

Le "plus vieux métier du monde" se teinte de modernisme

Pour promouvoir ce "droit à la caresse", rien ne nous sera épargné. Ni les discours compassionnels, visant à faire des monstres des opposants à cette réforme ; ni les comparaisons avec l'étranger (« mais si, mais si, ça se fait en Suisse et aux Pays-Bas »). Vous goûterez sans doute aussi la conjugaison des deux (« ces pauvres malheureux qui sont "obligés" de faire 1000km pour une caresse »). In fine, l'agument massue sera le refus de l'obscurantisme , avec une réforme qui sera bien entendu jugée audacieuse, brisant des tabous. Je brise des tabous donc je suis. Et certains4 se paieront même le luxe de déclarer qu'elle va dans le bon sens, mais qu'il aurait fallu faire plus.

Reste que cette initiative vise à proposer une solution purement technique à un problème qui, lui, touche profondément à l'humain. Car ce qui est spécifique au cri des personnes handicapées n'est pas tant le manque d'activité sexuelle5 que la quasi-absence de relations sociales, qui diminuent fortement les chances des-dites personnes de rencontrer l'âme soeur. Les handicapés attendent plus l'affection - ou la passion, si l'on veut rester charnel - que la stimulation.

Face à cette marginalisation du handicap (à laquelle l'euthanasie massive de nombre d'enfants-à-naître n'est pas étrangère), on désire plus une société accessible qu'une sexualité accessible ; une relation accessible qu'une fellation accessible.

Enfin, notre société vit une heure où l'illusion de la toute-puissance de la technique rencontre l'exigence de la jouissance sans entrave, où le désir est tout puissant. D'où un refus de l'impuissance, dans tous les domaines. L'état est sommé de répondre à toutes les revendications (mais j'y reviens ci-dessous) et le député, conscient des limites de son pouvoir, n'a d'autre solution que la fuite en avant dans la surproduction législative. 

Le prix de l'incohérence

Nous payons également dans ce débat le prix de notre propres contradictions : comment expliquer aux personnes handicapées qu'ils n'auraient pas droit à des assistants sexuels parce que cela suppose l'instrumentalisation d'une autre personne au service de leur désir, quand il est possible de vendre son corps dans la prostitution ? quand la toute-puissance du désir des uns suppose l'asservissement des autres ? 

Y'a t-il un droit au bonheur ? 

Quittons un instant le domaine du corps et de la sexualité pour nous frotter à cette question, à laquelle Nicolas Mathey serait sans doute plus apte que moi à répondre6. Au passage, le Barreau de Paris et le Collège des Bernardins y ont consacré un colloque commun en 200978.

C'est que la vision actuelle des droits de l'homme n'est pas celle de 1789 : leurs créateurs y voyaient des droits universels et généraux ; de nos jours, ils servent de support à la revendication des droits individuels, aux "droits à".

L'arrivée du bonheur dans le droit date de la déclaration d'indépendance de 1776, qui consacre le droit, non pas au bonheur, mais à la recherche du bonheur. Mais le fondement de ce droit est la liberté individuelle : c'est dire que le bonheur est une chose privée. Cela explique notamment que le droit, à l'origine, se reconnaît incapable de viser le bonheur, mais se contente d'empêcher le malheur9

On le voit donc : le droit et le bonheur sont assez étranger  l'un à l'autre. On est donc assez mal à l'aise lorsque certains essaient de satisfaire à coup de lois les revendications de bonheur - par ailleurs légitimes et audibles - d'une minorité. En vassalisant ainsi le droit aux intérêts particuliers, on lui donne en fait un rôle dangereux, puisqu'il se met à empiéter sur le domaine privé, intime, qu'est le bonheur.

Car le droit, par essence, s'applique à tous : où fixer les limites des droits ? Les droits de l'homme impliquent aujourd'hui un certain nombre de droits concrets (nourriture, eau). Mais que penser des biens superflus ? et qui décide qu'un bien est nécessaire, dans une société où des milliers d'emplois sont consacrés à rendre totalement essentiels des biens superflus10.

Le droit à l'activité sexuelle est-il à l'ordre du jour dans une société qui vient de reconnaître, et encore a minima, le droit au logement ? A qui ce droit serait-il opposable ?!! Cela pose la question de l'impact des droits sur autrui. On a vu de nombreux cas d'abus manifestes, comme ces parents sourds qui ont exigé que leur enfants, conçu in vitro, soit... sourd. La création d'un métier d'assistant sexuel est du même ordre.

Le droit, comme l'argent, est un bon serviteur mais un bien mauvais maître. Si nous laissons les intérêts particuliers interférer avec le droit, sommes-nous loin de la définition d'un "bonheur officiel", d'une sorte de totalitarisme du bonheur ? 

  • 1. qui a signé ou co-signé pas moins de 18 propositions dans ce domaine dans la dernière législature en plus de la loi du 11 février 2005
  • 2. modérons toutefois notre enthousiasme, puisque le site "députés godillots" nous révèle qu'il n'avait en 2009 défendu q'un seul de ses textes
  • 3. ni son appartenance au PCD
  • 4. Probablement ceux qui alimentent ces sites qui font semblant de croire que la norme est déjà complètement admise
  • 5. sans quoi leur cas ne serait pas si unique
  • 6. et paf, un billet commandé, un !
  • 7. que vous pouvez visionner ici ou ici et dont vous pouvez acheter les actes ici
  • 8. certains commentaires sont ici librement inspirés des contributions des orateurs de ces débats
  • 9. la formulation négative des dix commandements n'est pas une vision répressive, mais un rempart contre le malheur
  • 10. ça s'appelle le marketing

 
 

 
 

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