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Mariage : goûter ses biens, tendre vers ses fins, accueillir ce don

Mariage : goûter ses biens, tendre vers ses fins, accueillir ce don

Publié par Incarnare le mardi 05/02/2013 - 21:50 - Mariage - Blog

Le mariage est une réalité belle, mais complexe. Une grande partie des hommes et des femmes de notre temps souhaitent y trouver un bonheur durable ; peu s'attendent aux défis que la vie conjugale recèle. L'Eglise n'a pas encore fini de montrer comment Dieu nous parle, nous éduque, à travers le mariage.

Après tout, il a fallu 2000 ans pour que Jean-Paul II formule sa théologie du de l'amour humain1 et lui-même dit que le travail n'est pas achevé ! Voici quelques éléments sur sa découverte progressive2...

Les biens du mariage (saint Augustin) 

A l'époque d'Augustin, les manichéens font florès. Leur doctrine est dualiste : l'homme, selon eux, est double ; une partie bonne et une partie mauvaise. Ceci, allié à l'idée que le bien est immortel tandis que le mal est périssable, suffit à les convaincre que l'esprit est la bonne partie de l'homme, tandis que le corps serait nécessairement détestable. Les manichéens détestent donc le mariage et l'union charnelle, qu'ils considèrent comme avilissante

Cela conduit par réaction3 Augustin à répondre4 à cette question : « est-il bon de se marier ? » et à détailler trois biens du mariage

  • la proles, terme qui recouvre non seulement la procréation mais aussi l'éducation des enfants
  • la fides, qui est l'engagement de la fidélité
  • Le sacramentum, terme qui ne recouvre pas tant le sacrement tel que nous l'entendons, mais la notion de serment, c'est à dire l'indissolubilité du lien conjugal.

Ces trois piliers du mariage, fondés par Augustin, seront la référence principale pendant 17 siècles (plus exactement, jusqu'à la publication en 1930 de l'encyclique Casti Connubi). Ils ne cherchent pas tant à dire le but du mariage qu'à en dire le bien. 
 

Les fins du mariage (saint Thomas)

La pensée de Thomas d'Aquin, dans la Somme, est construite sur un double mouvement d'exitus (la sortie de Dieu ou la création) puis de reditus (mouvement de retour vers Dieu). Il s'agit pour lui de décrire le mouvement de notre existence, vers sa finalité, qui est la contemplation de Dieu. Cette finalité est en correspondance avec l'être de l'homme, avec sa nature issue et participant au monde animal mais également spécifiée dans tout son être par la raison. 

Thomas détaille5 ainsi les fins du mariage et distingue : 

  • Les fins essentielles, qui appartiennent en propre au mariage 
  • Les fins accidentelles, qui sont propres à chaque mariage, ce que les époux espèrent y trouver. Elles sont également bonnes, mais pas intrinsèquement liées au mariage lui-même. C'est par exemple la complémentarité de qualités ou de tempérament entre époux. 

Dans les fins essentielles, l'Aquinate distingue : 

  • la fin primaire du mariage : c'est la procréation et l'éducation des enfants 
  • les fins secondaires du mariage : l'aide mutuelle ou conversatio6 entre époux et le remède du péché ou remedium concupiscenciae7

Nombre de commentateurs, focalisant sur la distinction primaire / secondaire, ont perdu de vue que ces trois fins sont également essentielles, et ont, chacune valeur en elles-mêmes (per se). Ils en ont déduit - à tort - que tout le mariage se réduisait à la génération, y compris l'aide mutuelle. En opposant les fins les unes aux autres (ou les biens les uns aux autres), ils risquent de réduire le mariage à une fonction sociale voire biologique.

Dans l'encyclique Casti Connubi, Pie XI souligne deux tendances funestes : surévaluer la fin primaire du mariage ; nier la subordination des fins secondaires à la fin primaire. 
 

Le don émerge dans le mariage (Le concile Vatican II)

La question du mariage fait débat dans les années précédant le Concile Vatican II, à la faveur d'évolutions récentes :

  • on comprend désormais mieux les rythmes biologiques liés à la fertilité,
  • la durée de la vie s'allongeant, la conversatio prend une dimension nouvelle dans le mariage 
  • le développement d'une réflexion théologique sur l'amour conjugal.

Après bien des discussions, les textes du Concile, s'il fait état de biens et de fins dans le mariage, n'en fait pas la liste et ne tente pas de les hiéarchiser. Les Pères choisissent de renoncer à un vocabulaire qu'ils trouvent trop sèchement technique. Selon le P. Mattheeuws, ce suspens a ouvert des perspectives : 

 Finalement le silence du Concile au sujet des «fins» du mariage, nous semble significatif non pas d'une «rupture» de tradition, mais d'une «halte» offerte à l'Eglise par l'Esprit Saint. Cette halte a permis d'écarter les tensions engendrées par les conceptions contemporaines de la finalité et d'éviter ainsi de nombreux malentendus dans l'enseignement et la pratique pastorale. Ce temps d'attente a rendu possible l'intégration de novelles valeurs telles que «personne», «dignité», «amour conjugal».

Pour la première fois, les enfants sont décrits non pas comme un bonum mais comme un donum Gaudium et Spes (50) les décrit en effet comme «le don le plus excellent du mariage».
 

Le mariage, appel au don de soi en réponse au don de Dieu (Jean-Paul II)

Pour de nombreux historiens, Karol Wojtyla n'est pas étranger à la rédaction de Gaudium et Spes. Le Pape Jean-Paul II articule, de fait, tout son enseignement autour du don : il montre en effet (et c'est tout l'objet de la théologie du corps - cf. texte de JPII ici et commentaire là) que : 

 

Seul le don de nous-mêmes nous permet de mettre notre finalité dans le présent, nous permet vivre aujourd'hui ces biens que nous désirons. Nous avons dans notre coeur comme l'écho de ce don originel qui nous permet de nous reconnaître comme enfants de Dieu, et de dire 8"voici, cela est bon", qui résonne en nous comme un appel à vivre notre vocation au don

  • 1. c'est le titre original de la théologie du corps
  • 2. cet article résume un exposé brillant du Père Alain Mattheeuws, que j'ose à peine citer, de peur d'avoir déformé sa pensée..
  • 3. quand on vous dit que l'Eglise aime le corps !
  • 4. St Augustin, De ce qui est bien dans le mariage
  • 5. cf. Thomas d'Aquin, Somme théologique, supplément, Q48 et suivantes
  • 6. c'est la communion, au sens fort du terme, entre époux ; le terme utilisé est le même que dans Philippiens 3, 20 "notre cité (conversatio) se trouve dans les cieux"
  • 7. dont on ne rappelera jamais assez qu'elle ne consiste pas à créer un espace où le désir égoïste peut s'exprimer, mais où notre désir peut être guéri et purifié
  • 8. chaque matin, dans la glace essayez !

 
 

 

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Car tous ont péché...

La presse se fait l'écho d'un livre du journaliste Ekke Overbeek indiquant que Karol Wojtyła, futur Pape Jean-Paul II (et aujourd'hui Saint Jean-Paul II) aurait avant son élection pontificale, en tant qu'archevêque de Cracovie, eu connaissance de témoignages de faits de pédo-criminalité (la presse ne relaie ni le nombre ni la nature des faits) et n'aurait pas apporté la réponse appropriée (à savoir le signalement des faits aux autorités civiles et le déclenchement d'une enquête canonique aboutissant au renvoi à l'état laïc des malfaiteurs).