Le paradis, cet enfer ? Episode 2 : le choix du salut
L'époque est propice à la réflexion sur le jugement dernier et la question du salut. Si Dieu est impitoyable, alors le paradis, c'est l'enfer; s'il est permissif, alors il n'y a plus de paradis où aller. L'opposition entre justice et miséricorde trouve peut-être une solution dans la liberté que Dieu nous offre.
Note : ce billet est le second épisode de la série "Le Paradis, cet enfer ?". La lecture du premier opus (ici) est vivement conseillée.
Au premier épisode, nous avons vu qu'une conversion de notre regard sur le plan de Dieu pour nous était nécessaire, sans laquelle l'idée d'aimer la loi confine au masochisme. Quelle vision nous permettra de dire quelque chose du don de Dieu pour nous ?
Le choix du salut
L'une des images qui me parle le plus est celle développée par C.S.Lewis, dans The Great Divorce1, qui conte le parcours d'une âme au purgatoire. Lewis y croque des postures qui enferment la personne : l'homme qui refuse d'aller au paradis, parce que des meurtriers y sont acceptés, celui qui veut bien y aller à condition qu'on lui laisse la liberté de douter encore de l'existence de Dieu ; l'homme qui voudrait y emmener son égoïsme et sa convoitise, ou la femme qui préfère attendre son fils décédé trop tôt à la porte, restant sourde à la voix de l'ange qui lui indique qu'il est déjà entré !
Toutes ces images ont ceci de commun que ce n'est pas tant Dieu qui prive l'homme du salut, que l'homme qui choisit de le refuser. Elles suggèrent que le salut n'est pas tant une récompense méritée de bonnes oeuvres que le fait même de vivre de l'amour de Dieu. Le Psaume 27 ne dit pas "Le Seigneur me donne le salut" mais "Le Seigneur est mon salut".
C'est peut-être la raison pour laquelle le trône de justice est si peu usé : Dieu est un monomaniaque de l'Amour, qui n'a de cesse d'espérer que nous acceptions de vivre de Lui. Mais cet amour est exigeant, car il ne peut être taché d'égoïsme sous peine d'être réduit à une parodie. Benoît XVI n'a pas dit autre chose aux jeunes en leur confiant que :
vivre l'amour d'une manière vraie nécessite des sacrifices. Sans renoncements, on n'arrive jamais sur ce chemin. Mais je suis sûr que vous n'avez pas peur de l'effort que représente un amour véritable : c'est le seul qui en fin de compte donne la vraie joie
En 1999, l'Eglise catholique a proclamé conjointement avec la Fédération mondiale luthérienne, que « la personne humaine est, pour son salut, entièrement dépendante de la grâce salvatrice de Dieu ». En effet, force est de constater que nous souhaitons souvent vivre loin du regard de Dieu, que nous refusons souvent d'être les gardiens de nos frères. Nous ne pouvons ainsi prétendre au salut par nos propres mérites, indépendamment de Dieu, et pour cause : prétendre vivre l'amour hors de l'Amour est absurde dans les termes mêmes !
La grâce de la réconciliation est un don gratuit et libre de Dieu : si les hommes, qui sont indignes, étaient fondés à condamner la femme adultère, combien Dieu, qui est digne, était-il en droit de le faire ? Et pourtant, voici qu'il lui dit « moi non plus, je ne te condamne pas ».
Cela ne signifie pas que nous soyons passifs face au salut : les textes liturgiques des dimanches qui nous conduisent à la Toussaint nous emmènent, je crois, sur ce chemin. Si dimanche dernier, le pharisien et le publicain nous interpellaient sur la tentation de l'autojustification2, le dimanche précédent c'étaient le combat dans la prière de Moïse et de la veuve face au juge inique qui faisaient de nous des coopérateurs du salut.
Jésus ne dit-il pas à la femme adultère « va, et ne pèche plus » ? Notre liberté est donc engagée, et est soutenue par la grâce.
Au dernier épisode, nous verrons comment la patience de Dieu permet à l'une et l'autre de s'exprimer ⇒ A suivre ici.