Rapport Leonetti : le mariage homosexuel sort du bois.
Après la vive polémique suscitée en mars par les annonces de Nadine Morano, qui montrait bien les réticences du peuple à la légitimation implicite du mariage homosexuel, Nicolas Sarkozy avait opté pour la technique habituelle : création d'une mission parlementaire, commande d'un rapport à un député réputé modéré. Il a pris également le soin, en juin, de limoger Christine Boutin, opposante farouche et médiatique au texte. Malgré les dénégations, c'est une reconnaissance du mariage homosexuel qui sort du bois dans le rapport Leonetti, dont j'apprends l'existence via Authueil.
Voici ce qu'en dit le rapport Leonetti :
Cet avant-projet de loi a également souvent été présenté comme créant un statut du beau-parent au bénéfice des familles homoparentales. Sur ce point, force est de constater que le texte n’apporte aucune évolution dans ce sens. Un texte de loi ne saurait en aucun cas conférer des droits particuliers à telle ou telle partie de la population sur la base de son orientation sexuelle. Elle ne saurait non plus être discriminée pour les mêmes motifs. Il n’y a donc pas lieu de les différencier au sein de la notion de tiers.
Une argumentation fallacieuse des promoteurs du mariage homosexuel
L'argument avancé est donc la non-discrimination. Cependant, si l'on refondait aujourd'hui le mariage avec cet argument, l'on ne pourrait pas affirmer que c'est l'union d'un homme et d'une femme. Soit l'on pense qu'un enfant a besoin d'un père et d'une mère, et on ne partage pas l'autorité parentale qu'avec des personnes de sexe opposé (pour que l'enfant ait un référent masculin et un référent féminin), soit l'on pense que c'est la même chose et on légalise le mariage homosexuel.
Il est choquant de voir ainsi adopter constamment ce double discours qui consiste à affirmer haut et fort que l'enfant a besoin d'un père et d'une mère et de favoriser dans les faits un statut de l'union homosexuelle avec enfant. A force d'avancer en eaux troubles, on en est aveuglés. Pourquoi ne pas simplement déposer un projet de loi pour le mariage homosexuel et laisser la représentation nationale trancher ? Cela aurait le mérite de la clarté !
Il est intéssant de noter la progression du lobby pro-mariage homosexuel et sa sur-représentation dans les auditions : 11 des 47 personnes interrogées supportaient cette cause.
L'affaiblissement du mariage, une vraie question, qui nécessite de vraies réponses
La vraie question est l'affaiblissement du mariage. Le rapport nous apprend qu'il a reculé d'un tiers entre 1970 et 2008, et que 42% d'entre-eux se soldent aujourd'hui par un divorce, contre 12% en 1970. Cet affaiblissement ne se règlera pas à coup de projet de loi (il ne s'agit pas de forcer les parents à rester ensemble) mais par une évolution profonde de la société qui offre aujourd'hui un environnement néfaste pour le mariage (aide à la famille très faibles, horaires de travail des cadres très élevés, etc.)
Redonner au mariage sa saveur et son attrait est conforme au meilleur intérêt de l'enfant : même en cas de divorce, les enfants conçus dans le mariage ont plus de chance de continuer à voir ses deux parents régulièrement, et que ceux-ci prennent conjointement part à son éducation, qu'un enfant conçu hors-mariage.
L'argument du pragmatisme et du constat de la situation de facto ne saurait être la base d'une réelle action politique positive. Cette vraie action s'inscrit nécessairement dans la durée. On ne demande pas aux députés de mettre un pansement au mariage, ce qui serait aujourd'hui mettre un plâtre sur une jambe de bois, mais de redonner au mariage son coeur de chair.
Quelques points positifs du rapport Leonetti
Le rapport Leonetti n'est pas exempt de qualités, comme le reconnaît d'ailleurs Christine Boutin. Il évite de créer un statut de beau-parent qui évincerait de fait le parent séparé de l'enfant de son rôle. Il remet au juge aux affaires familiales la définition au cas par cas des actes usuels et importants de la vie de l'enfant, ce qui évite de laisser penser que l'autorité conjointe serait superflue pour les actes usuels. Il traite longuement de la question des parents séparés, plus essentielle que celle du beau-parent.
Le rapport a également l'immense qualité de faire revenir au premier plan la question de l'intérêt de l'enfant. Il cite le point de vue de plusieurs catégories de professionnels.
Voici le point de vue des juges :
S’agissant des juges aux affaires familiales, ils estiment qu’il est d’ores et déjà très difficile de garder auprès de l’enfant la place du parent chez qui il ne réside pas, ce qui en retour rend quasiment impraticable l’organisation d’un droit de visite, voire d’hébergement, du tiers. Aussi considèrent-ils qu’il existe un risque important de décomposition de la famille et de dilution des liens de filiation, alors même qu’il n’y a dans les faits que peu de demandes de la part des tiers
En fait, cette demande faible, dit le rapport est "largement surestimée et déjà satisfaite par le code civil". Conclusion : toute nouvel ajout ne servirait qu'à satisfaire les intérêts de la minorité homosexuelle, au détriment de l'intérêt, supérieur, de l'enfant. La loi de 2002 offre déjà largement le cadre nécessaire pour permettre au juge d'agir pour le meilleur intérêt de l'enfant, en offrant même la possibilité, avec l'accord des deux parents, d'un partage et d'une délégation de l'autorité parentale à un tiers.
Voici le point de vue des pédo-psychiatres :
Les pédopsychiatres font valoir pour leur part que les liens affectifs étroits ne sont pas un critère pertinent pour autoriser l’établissement d’un droit du tiers à avoir des relations personnelles avec l’enfant. En effet, un nombre non négligeable d’enfants éprouve une certaine aversion pour la personne qui remplace l’un de leur parent.
En conclusion...
Le rapport est formel :
De manière générale, la quasi-unanimité des personnes auditionnées – les juristes, les pédopsychiatres, les acteurs de terrain – s’est montrée réticente vis-àvis du texte proposé
La résolution des difficultés que pose le divorce passent par une double action, visant à la fois à l'établissement d'un climat permettant l'épanouissement du mariage et le développement des solutions de médiation familiale extrajudiciaires en cas de séparation.
Ce rapport a le défaut de proposer des recommandations certes très positives mais en conservant l'ambiguité sur la question de la parentalité homosexuelle. Nous attendons de la loi qu'elle garantisse à l'enfant un référent paternel et un référent maternel pour corriger ce défaut et du législateur qu'il ait le courage de réserver la question de la parentalité homosexuelle à un autre débat, fait dans la transparence face aux citoyens.