TDC 127 - Au centre de la spiritualité conjugale il y a la chasteté
1. A la lumière de l'encyclique Humanae Vitae, l'élément fondamental de la spiritualité conjugale est l'amour répandu dans le coeur des époux comme don de l'Esprit Saint Rm 5,5. Les époux reçoivent ce don dans le sacrement en même temps qu'une particulière consécration. L'amour est uni à la chasteté conjugale qui, se manifestant dans la continence, réalise l'ordre intérieur de la coexistence conjugale.
La chasteté, c'est vivre dans l'ordre du coeur. Cet ordre favorise le développement des manifestations d'affection dans la proportion et au sens qui leur sont propres. De cette manière se trouve également confirmée la chasteté en tant que vie selon l'Esprit Ga 5,25, comme l'exprime saint Paul. L'Apôtre pensait non seulement aux énergies immanentes de l'esprit humain mais encore et surtout à l'influence sanctifiante de l'Esprit Saint et à ses dons particuliers.
2. Au centre de la spiritualité conjugale, il y a donc la chasteté non seulement comme vertu morale en connexion avec les dons de l'Esprit Saint - avant tout avec le don du respect de ce qui vient de Dieu (donum pietatis). C'est à ce don que pense l'auteur de l'épître aux Ephésiens quand il exhorte les époux à être "soumis les uns aux autres dans la crainte du Christ" Ep 5,21. Ainsi donc, l'ordre intérieur de la coexistence conjugale, qui permet que les manifestations d'affection se développent selon la proportion exacte et la signification qui leur sont propres, est le fruit non seulement de la vertu à laquelle les époux s'exercent mais aussi des dons de l'Esprit Saint avec lequel ils collaborent.
Dans quelques passages de son texte (particulièrement HV 21 HV 26 traitant de l'ascèse spécifiquement conjugale, c'est-à-dire des efforts pour acquérir les vertus d'amour, de chasteté et de continence, l'encyclique Humanae Vitae parle indirectement des dons de l'Esprit Saint auxquels les époux deviennent sensibles dans la mesure où ils ont acquis la maturité dans la vertu.
3.Cela correspond à la vocation de l'homme au mariage. Ces deux êtres qui, selon l'expression la plus antique de la Bible, - "seront une seule chair", ne peuvent réaliser une telle union au propre niveau des personnes (communio personarum) si ce n'est moyennant les forces provenant de l'esprit, et précisément de l'Esprit Saint, qui purifie, vivifie, fortifie et perfectionne les forces de l'esprit humain: "C'est l'esprit qui donne la vie, la chair ne sert de rien" Jn 6,63.
Il en résulte que les lignes essentielles de la spiritualité conjugale sont inscrites dès l'origine dans la vérité biblique sur le mariage. Cette spiritualité est, depuis l'origine également, ouverte aux dons de l'Esprit Saint. Si l'encyclique Humane Vitae exhorte les époux à une prière persévérante et à la vie sacramentelle (en disant "qu'ils cherchent surtout dans l'Eucharistie la source de la grâce et de la charité"; qu'"ils recourent avec humble persévérance à la miséricorde de Dieu qui est accordée dans le sacrement de la pénitence" HV 25),elle le fait en se rappelant que c'est l'Esprit Saint qui "donne la vie" 2Co 3,6
4. Les dons de l'Esprit Saint, et en particulier le don du respect de ce qui est sacré, semblent avoir ici une importance fondamentale. En effet, ce don soutient et développe chez les conjoints une sensibilité particulière à l'égard de tout ce qui ,dans leur vocation et leur coexistence, porte le signe du mystère de la Création et de la Rédemption; à l'égard de tout ce qui est un reflet crée de la sagesse et de l'amour de Dieu. C'est pourquoi ce don semble initier l'homme et la femme de manière particulièrement profonde au respect des deux significations inséparables de l'acte conjugal dont parle HV 12 par rapport au sacrement de mariage. Le respect des deux significations de l'acte conjugal ne peut se développer pleinement que si, pour le fonder, il se réfère profondément à la dignité personnelle de ce qui dans la personne humaine appartient de manière intrinsèque à la masculinité et féminité, et si, inséparablement, il se réfère aussi à la dignité personnelle de la nouvelle vie qui peut naître de l'union conjugale de l'homme et de la femme. Le don du respect de ce que Dieu a créé s'exprime précisément dans cette référence.
5. Le respect de la double signification de l'acte conjugal dans le mariage, qui naît du don de respect pour la création de Dieu, se manifeste également comme crainte salvifique: crainte de détruire ou de dégrader ce qui porte en soi le signe du mystère divin de la Création et de la Rédemption. C'est précisément de cette crainte que saint Paul parle dans l'épître aux Ephésiens quand il écrit: "Soyez soumis les uns aux autres dans la crainte du Christ" Ep 5,21.
Si cette crainte salvifique s'associe immédiatement à la fonction "négative" de la continence (ou à la résistance opposée à la convoitise de la chair), elle se manifeste également - et de manière croissante au fur et à mesure que cette vertu mûrit - comme sensibilité pleine de vénération pour les valeurs essentielles de l'union conjugale: pour les deux significations de l'acte conjugal (ou, pour le dire selon le langage des précédentes analyses: pour la vérité intérieure du mutuel langage du corps).
Prenant pour base l'essentielle référence à ces deux valeurs fondamentales, l'union des époux s'harmonise dans le sujet avec paternité et maternité responsables. Le don de respect pour tout ce que Dieu a créé fait graduellement disparaître l'apparente contradiction et réduit graduellement la difficulté découlant de la concupiscence, grâce à la maturité de la vertu et à la force du don de l'Esprit Saint.
6. S'il s'agit des problèmes de la continence périodique (ou recours aux méthodes naturelles), le don du respect pour l'oeuvre de Dieu aide en principe à concilier la dignité humaine avec les rythmes naturels de fécondité, c'est-à-dire avec la dimension biologique de la féminité et de la masculinité des conjoints, dimension qui a également une signification propre pour la vérité du mutuel langage du corps dans la coexistence conjugale.
De cette manière également, ce qui se réfère à l'union conjugale par le corps - moins au sens biblique qu'au sens directement biologique - prend une forme humainement mûre grâce à la vie selon l'Esprit.
Toute la pratique de la régulation droite de la fertilité, si étroitement liée à la paternité et maternité responsables, fait partie de la spiritualité conjugale et familiale chrétienne; et ce n'est qu'en vivant "selon l'Esprit" qu'elle devient intérieurement vraie et authentique.
- 14 novembre 1984