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TDC 078 - Complémentarité du mariage et de la continence pour le "Royaume des Cieux"

TDC 078 - Complémentarité du mariage et de la continence pour le "Royaume des Cieux"

Publié par Incarnare le dimanche 06/09/2009 - 23:05

1. Poursuivons maintenant la réflexion des semaines précédentes sur les paroles touchant la continence pour le Royaume des Cieux que, selon Mt 19,10-12, le Christ a adressées à ses disciples.
Disons une nouvelle fois que ces paroles sont, dans toute leur concision, admirablement riches et précises: riches d'un ensemble d'implications aussi bien de nature doctrinale que de nature pastorale, en même temps qu'elles indiquent une juste limite en la matière. Ainsi donc, n'importe quelle interprétation manichéenne demeure rigoureusement au-delà de cette limite comme y reste également, selon ce qu'a dit le Christ dans son Sermon sur la Montagne, le désir concupiscent "dans le coeur" Mt 5,27-28.
Dans les paroles du Christ sur la continence pour le Royaume des Cieux, il n'y a aucune allusion à l'infériorité du mariage en ce qui concerne le corps, ou en ce qui concerne l'essence du mariage consistant dans le fait que l'homme et la femme s'unissent si intimement qu'ils deviennent une seule chair Gn 2,24: "Les deux seront une seule chair". Les paroles du Christ rapportées par Mt 19,11-12 (de même que celles de Paul dans 1Co 7) n'offrent aucune base permettant de soutenir soit l'infériorité du mariage, soit la supériorité de la virginité ou du célibat, en ce sens que ces derniers consistent, par leur nature, à s'abstenir de l'union conjugale par le corps. Sur ce point les paroles du Christ sont absolument claires. Il propose à ses disciples l'idéal de la continence et les y invite non pas pour un motif d'infériorité de "l'union conjugale dans le corps" ou par préjugé contre elle, mais seulement pour le Royaume des Cieux.

2. A cette lumière, il se révèle particulièrement utile d'expliquer plus à fond, l'expression même pour le Royaume des Cieux. C'est ce que nous nous efforcerons de faire par la suite, au moins de manière sommaire. Mais en ce qui concerne l'exacte compréhension du rapport existant entre le mariage et la continence selon le Christ, et la compréhension de ce rapport comme l'a entendu toute la tradition, il vaut la peine d'ajouter que cette supériorité et cette infériorité sont contenues dans les limites de la complémentarité même du mariage et de la continence pour le Royaume de Dieu. Le mariage et la continence ne sont pas opposés l'un à l'autre et ne divisent pas de par eux-mêmes la communauté humaine (et chrétienne) en deux camps (disons: celui des parfaits à cause de la continence et des imparfaits ou moins parfaits à cause de la réalité de leur vie conjugale). Mais ces deux situations fondamentales, ou bien, comme on le dit habituellement, ces deux états s'expliquent et se complètent l'un l'autre, en un certain sens, quant à l'existence et à la vie (chrétienne) de cette communauté qui, dans son ensemble et dans tous ses membres, se réalise dans la dimension du Royaume de Dieu et a une orientation eschatologique, propre à ce règne. Or, en ce qui concerne cette dimension et cette orientation - auxquelles doit participer dans la foi la communauté tout entière, c'est-à-dire tous ceux qui en font partie - la continence pour le Royaume des Cieux a une particulière importance et une particulière éloquence pour ceux qui vivent la vie conjugale. On sait d'ailleurs que ces derniers constituent la majorité.

3. Il semble donc qu'une complémentarité ainsi comprise trouve sa base dans les paroles du Christ selon Mt 19,11-12 (et également dans 1Co 7). Il n'y a, par contre, aucune base pour une opposition supposée selon laquelle les célibataires constitueraient, pour le seul motif de leur continence, la classe des parfaits et, au contraire, les personnes mariées constitueraient la classe des non-parfaits (ou des moins parfaits). Si, d'après une certaine tradition théologique, on parle de l'état de perfection (status perfectionis), on ne le fait pas en raison de la continence elle-même, mais à cause de l'ensemble de la vie fondée sur les conseils évangéliques (pauvreté, chasteté et obéissance), car cette vie correspond à l'appel du Christ à la perfection ("Si vous voulez être parfaits ... " Mt 19,21. La perfection de la vie chrétienne se mesure, par contre, à la charité. Il en résulte qu'une personne qui ne vit pas dans l'état de perfection (c'est-à-dire dans une institution qui base le plan de sa vie sur les voeux de pauvreté, de chasteté et d'obéissance), c'est-à-dire qui ne vit pas dans un institut religieux mais dans le monde, peut atteindre de facto un degré supérieur de perfection - dont la charité est la mesure - par rapport à la personne qui vit l'état de perfection mais à un moindre degré de charité. Toutefois, les conseils évangéliques aident incontestablement à parvenir à une vie plus pleine charité. Aussi quiconque y parvient, même sans vivre dans un état de perfection institutionnalisé, atteint cette perfection qui jaillit de la charité, moyennant la fidélité à l'esprit de ces conseils. Cette perfection est accessible et possible à tout homme, dans un institut religieux comme dans le monde.

4. Aux paroles du Christ rapportées par Mt 19,11-12 semble donc répondre de manière adéquate la complémentarité du mariage et de la continence pour le Royaume des Cieux, dans leur signification comme dans leur portée multiple. Dans la vie d'une communauté authentiquement chrétienne, les attitudes et les valeurs propres de l'un et de l'autre état - c'est-à-dire de l'un ou de l'autre choix essentiel et conscient comme vocation pour toute la vie terrestre et dans la perspective de l'Eglise céleste - se complètent et en un certain sens se pénètrent réciproquement. Le parfait amour conjugal doit être caractérisé par cette fidélité et par cette donation à l'unique Epoux (et également par la fidélité et par la donation de l'Epoux à l'unique Epouse, sur lesquels sont fondés la profession religieuse et le célibat sacerdotal). En définitive, la nature de l'un et de l'autre amour est conjugal, c'est-à-dire qu'il s'exprime par le don total de soi. L'un et l'autre amour tend à exprimer cette signification conjugale du corps qui est inscrite depuis l'origine dans la structure personnelle même de l'homme et de la femme.
Nous reviendrons par la suite sur ce sujet.

5. D'autre part, l'amour conjugal qui trouve son expression dans la continence pour le Royaume des Cieux doit mener, par son développement régulier, à la paternité ou maternité au sens spirituel (et donc à cette fécondité de l'Esprit-Saint dont nous avons déjà parlé) de la même manière que l'amour conjugal mûrit dans la paternité et maternité physiques et, en celles-ci, se confirme authentiquement comme amour conjugal. La génération physique, de son côté, ne répond pleinement à sa signification que si elle est complétée par la paternité et maternité dans l'Esprit qui ont pour expression et pour fruit toute l'oeuvre de l'éducation donnée par les parents aux enfants nés de leur union conjugale corporelle.
Comme on le voit, nombreux sont les aspects et les sphères de la complémentarité entre la vocation, au sens évangélique, de ceux qui "prennent femme et prennent mari" Lc 20,34 et de ceux qui choisissent volontairement la continence "pour le Royaume des Cieux" Mt 19,12.
Dans sa première épître aux Corinthiens (que nous analyserons par la suite au cours de nos considérations), saint Paul écrit à propos de ce thème: "Chacun reçoit de Dieu son don particulier, l'un celui-ci, l'autre celui-là" 1Co 7,7.

- 14 avril 1982

 
 

 

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