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TDC 061 - L'Ethos du corps dans les oeuvres d'Art

TDC 061 - L'Ethos du corps dans les oeuvres d'Art

Publié par Incarnare le samedi 05/09/2009 - 21:48

La joie pascale est toujours vivante et présente en nous durant cette Octave solennelle et la Liturgie nous fait répéter avec ferveur: " Le Seigneur est ressuscité comme il l'avait prédit; réjouissons-nous tous et exultons parce qu'il règne éternellement, alléluia."
Disposons donc nos coeurs à la grâce et élevons notre sacrifice de louange à la victime pascale, parce que l'Agneau a racheté son troupeau et que l'Innocent nous a réconciliés avec le Père, nous qui sommes pécheurs.
Le Christ, notre Pâque, est ressuscité et nous, nous sommes ressuscités avec Lui. A travers Lui, nous devons chercher les choses du ciel où le Christ est assis à la droite de Dieu et, en outre, goûter les choses d'en haut selon l'invitation de l'apôtre Paul Col 3,1-2.
Tandis que Dieu nous fait passer, dans le Christ, de la mort à la vie, des ténèbres à la lumière, en nous préparant aux biens célestes, nous devons faire en sorte que s'accomplissent des oeuvres éclatantes dans la justice et la vérité. C'est un long chemin que nous avons à parcourir, mais Dieu fortifie et soutient notre inébranlable espérance de victoire: la méditation du mystère pascal nous accompagne de manière particulière en ces jours.

1. Réfléchissons maintenant - en relation avec les paroles du Christ dans le Discours sur la Montagne - sur le problème de l'ethos du corps humain dans les oeuvres d'art. Ce problème a des racines très profondes. Il convient de rappeler ici la série des analyses faites en relation avec le rappel par le Christ de l'"origine" et ensuite avec le rappel qu'il a fait du "coeur" humain dans le Discours sur la Montagne. Le corps humain - le corps humain dans la nudité et dans toute la vérité de sa masculinité et de sa féminité - a une signification de don de la personne à la personne. L'ethos du corps, c'est-à-dire la règle éthique de sa nudité, est étroitement lié, en raison de la dignité du sujet personnel, à ce système de référence compris comme système sponsal où le don d'une partie se rencontre avec la réponse appropriée et adéquate de l'autre partie au don. Cette réponse décide de la réciprocité du don. L'objectivation artistique du corps humain dans sa nudité masculine et féminine, dans le but de faire d'abord de lui un modèle et, ensuite, un thème de l'oeuvre d'art, est toujours un certain transfert à l'extérieur de cette configuration originelle et, pour cela, spécifique du don inter-personnel. Cela constitue, dans un certain sens, un déracinement du corps humain par rapport à cette configuration et à son transfert dans la dimension de l'objectivation artistique, dans la dimension spécifique de l'oeuvre d'art ou de la reproduction typique des techniques cinématographiques et photographiques de notre temps.
Dans chacune de ces dimensions - et dans chacune de manière différente - le corps humain perd cette signification profondément subjective du don et devient un objet destiné à une connaissance multiple par laquelle ceux qui regardent et assimilent, s'emparent en réalité, dans un certain sens, de ce qui existe de manière évidente et qui doit même exister de manière essentielle au niveau du don fait par la personne à la personne, non plus dans l'image, mais dans l'homme vivant. A dire vrai, cet acte de s'"emparer" arrive déjà à un autre niveau, au niveau de l'objet de la transfiguration ou de la reproduction artistique. Il est cependant impossible de ne pas se rendre compte que, du point de vue de l'ethos du corps, surgit ici un problème. Problème très délicat qui a ses niveaux d'intensité selon les différentes raisons et circonstances, aussi bien de la part de l'activité artistique que de la connaissance de l'oeuvre d'art, ou de sa reproduction. Poser le problème n'implique pas du tout que le corps humain ne puisse pas, dans sa nudité, devenir un thème de l'oeuvre d'art. Il en résulte seulement que ce problème n'est pas purement esthétique ni moralement indifférent.

2. Dans nos précédentes analyses (surtout en liaison avec le rappel par le Christ de l'"origine"), nous avons consacré beaucoup de temps à la signification de la honte et cherché à comprendre la différence entre la situation - et l'état - de l'innocence originelle où "tous deux étaient nus ... mais n'en éprouvaient pas de honte" Gn 2,25 et, ensuite, la situation - et l'état - de péché dans laquelle naît entre l'homme et la femme, avec la honte, la nécessité spécifique de l'intimité vis-à-vis de son corps. Dans le coeur de l'homme sujet à la concupiscence, cette nécessité sert, même indirectement, à assurer le don et la possibilité du don réciproque. Cette nécessité forme également la manière d'agir de l'homme comme "objet de la culture", dans la plus vaste signification du mot. Si la culture montre une tendance explicite à couvrir la nudité du corps humain, elle le fait certainement non seulement pour des raisons climatiques, mais aussi en relation avec le processus de croissance de la sensibilité personnelle de l'homme. La nudité anonyme de l'homme-objet contraste avec le progrès de la culture authentiquement humaine des coutumes. Il est probablement possible de confirmer cela également dans la vie des populations que l'on appelle primitives. Le processus d'affinement de la sensibilité personnelle humaine est certainement un facteur et un fruit de la culture.
Derrière le besoin de la honte, c'est-à-dire de l'intimité de, son propre corps (sur laquelle les sources bibliques, dans Genèse 3, informent avec tant de précisions), se cache une norme plus profonde: celle du don orienté vers les profondeurs mêmes du sujet personnel ou vers l'autre personne, spécialement dans la relation homme-femme selon l'harmonie éternelle du don réciproque. De cette manière, dans les processus de la culture humaine, entendue dans le sens le plus large, nous constatons - même dans l'état du péché héréditaire de l'homme - une continuité suffisamment explicite de la signification sponsale du corps dans sa masculinité et dans sa féminité. Cette honte originelle, qui est déjà connue dès les premiers chapitres de la Bible est un élément permanent de la culture et des coutumes. Il appartient à la genèse de l'ethos du corps humain.

3. L'homme qui a une sensibilité développée dépasse avec difficulté et avec une résistance intérieure la limite de cette honte, une limite qui se met en évidence même dans les situations qui, d'ailleurs, justifient la nécessité de déshabiller le corps, comme par exemple dans le cas des examens ou des interventions en médecine.
Il faut aussi rappeler d'autres circonstances, comme par exemple celles des camps de concentration ou des lieux d'extermination, où la violation de la pudeur est une méthode consciemment utilisée pour détruire la sensibilité personnelle et le sens de la dignité humaine. Partout - bien que de manières diverses - la même règle se confirme. En suivant sa sensibilité personnelle, l'homme ne veut pas devenir un objet pour les autres à travers sa nudité anonyme et ne veut pas non plus que l'autre devienne pour lui un objet de manière semblable. Il "ne veut pas" évidemment, d'autant plus qu'il se laisse guider par le sens de la dignité du corps humain. Elles sont, en effet, variées les raisons qui peuvent pousser, inciter et même presser l'homme à agir de manière contraire à ce qu'exige la dignité du corps humain, dignité qui est liée à la sensibilité personnelle. On ne peut pas oublier que la "situation" fondamentale et intérieure de l'homme "historique" est l'état de la triple concupiscence 1Jn 2,16. Cet état - et en particulier la concupiscence de la chair - se fait sentir de manières diverses, aussi bien dans les impulsions intérieures du coeur humain que dans tout le climat des rapports interhumains et dans les coutumes sociales.

4. Nous ne pouvons oublier cela, même lorsqu'il s'agit du vaste domaine de la culture artistique, surtout celle qui a un caractère visuel et spectaculaire, tout comme lorsqu'il s'agit de la culture de "masse", si significative pour notre époque et qui est liée à l'utilisation des techniques de vulgarisation de la communication audiovisuelle. Se pose alors un problème: quand et dans quel cas ce domaine de l'activité de l'homme - du point de vue de l'ethos du corps - se trouve mis sous l'accusation de "pornovision", tout comme l'activité littéraire qui a été et qui est souvent accusée de "pornographie" (ce second mot est plus ancien). L'une et l'autre ont lieu quand se trouve dépassée la limite de la honte ou de la sensibilité personnelle à l'égard de ce qui se relie au corps humain, à sa nudité, quand se trouve violé, dans l'oeuvre artistique ou par les techniques de la reproduction audiovisuelle, le droit à l'intimité du corps dans sa masculinité et dans sa féminité et, en dernière analyse, lorsque se trouve violée cette profonde règle du don et du don réciproque qui est inscrite dans cette féminité et dans cette masculinité à travers la structure entière de l'être humain. Cette profond inscription - cette empreinte même - décide de la signification sponsale du corps humain, c'est-à-dire de l'appel fondamental qu'il reçoit pour former la "communion des personnes" et pour y participer.
En interrompant à ce point notre considération, que nous entendons continuer mercredi prochain, il faut constater que l'observance ou la non-observance de ces règles, si profondément liées à la sensibilité personnelle de l'homme, ne peut être indifférente en ce qui concerne le problème de "créer un climat favorable à la chasteté" dans la vie et dans l'éducation sociale.

- 22 avril 1981

 
 

 

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