Vous êtes ici

La morale, dépassée ?

La morale, dépassée ?

Publié par Incarnare le jeudi 23/01/2014 - 00:00 - Blog

La morale n'a pas bonne presse. De fait, la morale vue (au pire) comme liste d'interdits ou (au mieux) comme contraintes et obligations n'est pas très attirante. Les sentences de pseudo-sagesse des fables ne valent pas mieux.

Les politiciens prétendent vous « libérer de la morale traditionnelle / religieuse / judéo-chrétienne » (rayez l'expression inutile) pour vous amener vers "l'éthique" (qui, pour eux, rime avec technologique). Et que dire de la "morale laïque" qui ne vise pas plus loin que la régulation des comportements ?

Bref, peut-on penser une morale qui ne soit pas un simple "code de conduite" ? Une morale, non d'enfermement, mais de liberté et de joie

L'acte moral, un acte de la volonté

De nos jour, nous étudions la psychologie, qui nous permet de comprendre le fonctionnement de notre affectivité. Nous étudions la médecine et la sexologie, qui nous permettent de comprendre le dynamisme de notre sensualité. Nous étudions les sciences cognitives pour comprendre le fonctionnement de notre intellect et la philosophie et les sciences pour le développer. 

Un domaine de notre être est cependant laissé en friche, en jachère : c'est la volonté. C'est précisément l'objet de la morale que de nous aider à la comprendre et à la faire grandir. 

C'est en effet la volonté qui est à l'origine de nos actes les plus libres, les plus humains. Elle seule peut engager la personne dans son intégralité, dans tout son être :

 Il n’y a donc de proprement humaines que les actions qui procèdent d’une volonté́ délibérée. S’il est d’autres actions qui conviennent à l’homme, on pourra les appeler des actions de l’homme, mais non pas des actions proprement humaines, puisqu’elles ne procèdent pas de l’homme en tant qu’homme. Or, il est manifeste que toute action procédant d’une puissance est produite par cette puissance selon le caractère.1

 

Créés en vue d'une finalité

L'objet de l'intellect est le vrai, l'être : il y tend naturellement. L'objet des appétits sensibles et affectifs est le bien utile ou agréable. Quel est l'objet de la volonté ? 

La fin est l’objet même de la volonté de la même manière que la couleur est l’objet de la vue2

Notre culture est totalement focalisée sur la motivation (l'énergie vitale qui vient du dynamisme de notre affectivité et de notre sensualité) et oublie absolument la finalité. Par exemple, chacun sait pourquoi il se marie, mais peu savent pour quoi, en vue de quoi ils se marient.

L'objet de la volonté est donc la finalité : un bon acte de la volonté est un acte qui nous rapproche de notre finalité, de la perfection de notre être.

Quelle est notre fin dernière ? Nous sommes créés pour aimer et être aimés, pour voir Dieu face à face3. , mais de chercher, concrètement, à apprendre à aimer. 

On pense souvent que la morale consiste à éviter le mal et, en conséquence, on a de la foi catholique l'idée d'une religion culpabilisante. Il faut dire que l'Eglise y a largement contribué, avec des confessions sur la base de listes de péchés, la pratique de l'absolution différée, l'hérésie janséniste et sa culture rigoriste, une insistance sur la "dignité" - jamais suffisante - pour communier, etc. 

Mais l'objectif de la réflexion morale n'est pas de qualifier nos actes en les étiquetant "coupable" ou "non coupable" ! Il s'agit de discerner si nos actes sont en accord avec notre finalité. Et malgré la bd ci-dessus, elle concerne au moins autant l'acte intérieur de la personne que ses actes extérieurs.

 

Comment la volonté agit-elle ?

On accorde aujourd'hui beaucoup d'importance à la spontanéité. Avec une certaine raison, puisqu'in fine nous ne sommes pas appelés à nous méfier sans cesse de notre spontanéité :

Celui qui accepte l'ethos de l'énoncé de Mt 5,27-28, doit savoir qu'il est aussi appelé à la spontanéité pleine et mûre des rapports qui naissent de l'attirance éternelle de la masculinité et de la féminité. Une telle spontanéité est précisément le fruit graduel du discernement des impulsions du cœur. 4

Cependant, comme le dit Jean-Paul II ci-dessus, la spontanéité n'est pas l'immédiateté. Elle s'affermit lorsque mûrit la volonté, lorsque progresse la connaissance.

Comment la volonté agit-elle ? La volonté poursuit le bien que l'intelligence lui propose, après discernement des appétits de l'affectivité et de la sensualité. Toutes les dimensions de notre personne sont ainsi mobilisées dans nos actes les plus humains. 

Nous ne pouvons donc poser un acte parfaitement libre que lorsque : 1. nos appétits sont bien éduqués et guéris de leurs blessures 2. l'intelligence est éclairée et 3. la volonté cherche le bien.  

 

Le mal, ce désordre

La personne humaine est naturellement inclinée vers le bien. Le bien et l'être sont convertibles : est bien ce qui est conforme à l'être. 

Bonum ex integra causa, malum ex quolibet defectu5
(Le bien requiert l'intégrité des éléments; le mal vient de n'importe quel défaut)

Par exemple, pour qu'une voiture soit mauvaise, elle n'a pas besoin que son moteur soit brisé ET qu'il lui manque une roue ET que les freins soient défectueux. Un seul de ces défauts suffit. Et bien sûr, elle peut avoir plusieurs défauts en même temps ! 

Le mal n'est donc pas avant tout un acte coupable : c'est un manque de bien, un désordre par rapport à la fin à laquelle nous sommes ordonnnés, à la perfection à laquelle nous sommes appelés. C'est un mal pour la personne que d'être aveugle, que de n'avoir pas sa raison. Et la cécité est le manque de vue ; de même, le manque de volonté et de discernement dans l’âme est un manque.

Un acte est bon en tant qu'il est ordonné à sa fin et qu'il tient compte des circonstances.

 

Erreur, faute, péché : quelle différence ?

Désordre ne signifie pas culpabilité. Personneaujourd'hui, et depuis que le Christ l'a clairement affirmé ne songerait à accuser un aveugle de culpabilité vis à vis du mal qui l'atteint. C'est pourtant un mal objectif dont il souffre et dont il espère la guérison. Tout mal n'est pas un péché.

Nos sens externes peuvent être défectueux. Notre affectivité peut être blessée. Or on l'a vu, la volonté est la faculté la plus intérieure à la personne humaine, celle où s'exerce notre liberté : le péché, avant d'être un acte coupable, est avant tout ce qui blesse la volonté, qui l'entrave dans la recherche du bien.  

L'erreur :

La volonté n'a d'autre choix que de suivre ce que la raison lui présente. La théologie morale catholique affirme que la conscience oblige, c'est à dire que chacun est fondé à suivre sa conscience6, car c'est le seul guide dont nous disposons au moment d'agir. Et l'intelligence peut présenter une erreur à la volonté. Il y alors erreur, qui n'est pas un péché mais reste un mal objectif

Ajoutons pour être complet que l'homme n'est pas seulement responsable devant sa conscience, il est responsable de la formation de sa conscience7 et l'on peut pécher par négligence si l'on n'en prend pas soin. 

La faute : 

Parfois, notre conscience nous dit le bien à rechercher, mais notre volonté ne la suit, car elle est entravée par diverses blessures dans toutes les dimensions de notre être (sensualité, affectivité) qui sont les conditions concrètes de notre agir. Par exemple, une personne blessée dans sa sensualité peut avoir des dificultés à vivre la chasteté. Ou encore : une douleur à la jambe peut nous décourager de nous lever pour aider notre prochain. Il y a alors faute, mais cette faute n'est pécamineuse que dans la mesure de la liberté qui était alors la nôtre (et peut se réduire à pas grand chose).

Ainsi, nous sommes beaucoup plus responsables d'actes peu graves8 mais où nous sommes complètement libres d'agir que dans des actes bien plus graves. 

Le péché, la contrition et la culpabilité

Lorsque nous péchons (ie. que nous posons un acte de notre volonté qui n'est pas conforme à notre finalité et dans la mesure où cet acte était libre), nous pouvons éprouver plusieurs sentiment.

L'un est bon : il s'agit de la contrition, c'est à dire de la tristesse de l'âme qui mesure le chemin qui lui reste avant d'atteindre la perfection de notre être et regrette de n'avoir pas apporté en ce monde tout le bien que sa nature lui permettait de faire. Elle ne nous masque pas la dignité qui est la nôtre. La contrition doit 1. nous permettre d'engager fermement notre volonté vers le bien et 2. de demander à Dieu sa grâce pour nous accompagner sur ce chemin.

L'autre est néfaste : il s'agit de la culpabilité. La culpabilité est un sentiment inspiré par l'Ennemi qui essaye, par le péché, d'atteindre la conscience que nous avons de notre dignité ; elle tente de nous enseigner que nous sommes définitivement corrompu. Elle constitue ainsi une préparation très efficace... pour rechuter. Si vous imaginiez que le catholicisme est une religion culpabilisante, considérez ceci : la culpabilité est notre pire ennemie

 

Les facultés de l'homme, l'habitus, les vertus et la grâce

En quoi consiste donc la vie morale ? Elle n'est pas autoflagellation ; elle est un entraînement à l'amour.

Nous avons parlé plus haut de spontanéité et nous avons remarqué que notre spontanéité nécessite un tel entraînement. De la même manière qu'un pianiste doit faire ses gammes pour être capable de donner le meilleur de lui-même, nous devons, pour atteindre la perfection de notre être,  développer un habitus, c'est à dire une disposition stable qui permet d'agir quand on veut, avec aisance et plaisir910.

Développer cet habitus nécessite un travail sur soi : dans le domaine du faire, l'habitus s'appelle compétence. Dans le domaine de l'intellect, l'agilité intellectuelle. Dans le domaine moral (ie. de la volonté), l'habitude s'appelle vertu. Il serait trop long de décrire ici chacune11, citons simplement les principales, dont dérivent ls autres : Prudence, Justice, Force, Tempérance d'un côté ; Espérance, Foi et Charité de l'autre. 

Les quatre premières vertus, dites cardinales, appartiennent à l'ordre naturel et sont accessibles avec nos forces humaines. Les trois dernières, dites théologales, appartiennent à l'ordre de la rédemption (ie. par les mérites du Christ) et nous sont données par grâce, avec laquelle nous sommes appelés à collaborer.. 

 
 

 

A la une

Car tous ont péché...

La presse se fait l'écho d'un livre du journaliste Ekke Overbeek indiquant que Karol Wojtyła, futur Pape Jean-Paul II (et aujourd'hui Saint Jean-Paul II) aurait avant son élection pontificale, en tant qu'archevêque de Cracovie, eu connaissance de témoignages de faits de pédo-criminalité (la presse ne relaie ni le nombre ni la nature des faits) et n'aurait pas apporté la réponse appropriée (à savoir le signalement des faits aux autorités civiles et le déclenchement d'une enquête canonique aboutissant au renvoi à l'état laïc des malfaiteurs).

Actualité de l'Eglise