Le temps de l'innocence
Chantal Jouanno a remis aujourd'hui un rapport à Roseline Bachelot sur l'«hypersexualisation»1 des petites filles, c'est à dire sur l'émergence d'une vision des enfants comme objets de désir sexuel, dans notre société. On sait qu'un tel rapport est équilibré lorsqu'il suscite la colère de ceux qui considèrent qu'il n'y a rien à voir comme de ceux qui trouvent qu'il ne va pas assez loin.
De fait, Jouanno adopte un ton mesuré, marchant avec habileté sur cette ligne de crête entre alarmisme et jemenfoutisme ; reconnaissant ici que la situation française n'est en rien aussi grave que celle que connaissent nos voisins anglosaxons, mais rappelant là qu'elle n'en a jamais été aussi proches, avec des précurseurs évidents.
Sylvie, du blog Le Spirituel D'abord, interviewée sur RFI en même temps que Chantal Jouanno, met le doigt d'emblée sur le coeur du problème : "l'enfance est tellement précieuse, que toucher à l'enfance de cette manière en faisant de ces petites filles des mini-femmes, bien avant l'heure, c'est comme un vol.. c'est voler l'enfance de ces petites filles qui auront bien le temps d'apprendre à connaître leur corps, à devenir une femme, à se construire".
L'enfance est en effet précisément ce temps de notre vie où l'on ne se regarde pas, où l'on se contente d'être. Si l'enfant est parfois dans la séduction, c'est plus par quête d'une pure approbation que par souci d'attraction.Ce temps d'innocence est essentiel à l'enfant pour grandir sereinement, pour s'accueillir dans la certitude d'être aimé pour soi, inconditionnellement.
Quelques points de ce rapport méritent l'attention
Le premier rapproche ce rapport de celui remis le mois dernier par le Dr Nisand2 sur les mineures et l'IVG : l'identification de la pornographie comme un mal objectif pour notre société. Nisand, qu'on ne peut soupçonner de prôner un retour à l'ordre moral, recommande l'organisation "d'une résistance institutionnelle, collective et sociétale à la diffusion libre et marchande de la pornographie auprès des jeunes".
Force est en effet de constater qu'elle influence les pratiques sexuelles des Français, et que la publicité notamment, lorsqu'elle met en scène la sexualité, le fait rarement en respectant la beauté de la femme, qui en est toujours la première victime..
Ce rapport est également remarquable par l'originalité de certaines de ses propositions3 : elle invite notamment les mamans bloggueuses à s'emparer du sujet !4
Plus audacieux, et beaucoup moins attendu dans notre culture de la permissivité, elle invite à mettre en place une vraie conscience citoyenne, par un mécanisme que les anglosaxons appellent "name and shame", et qui consiste à mettre en cause publiquement les marques, chaînes de télé, médias, organisations, etc. qui mettent en danger la dignité des (jeunes) femmes..
La mise en place d'un tel système serait un véritable changement de paradigme : jusqu'ici, la contestation du nouvel ordre sexuel était tout juste tolérée au niveau individuel, et sa réprobation collective était réprimée et considérée comme un retour à l'obscurantisme. On passerait ici à une prise de conscience que ce problème social nécessite une réponse collective, voire sociale.
En lien avec une autre actualité, passée inaperçue
Très bientôt, les kiosquiers pourront choisir les titres qu'ils vendront... et ceux qui resteront à l'imprimerie. Cette réforme est avant tout un grand défi, qui met en jeu notre responsabilité individuelle. A nous, en effet, de faire en sorte que les kiosques ne soient pas forcés, pour leur survie, à faire la part belle à ces magazines pornographiques, qui portent atteinte à notre dignité. A nous, pour cela, de voter avec notre argent en soutenant une presse de qualité. Aux plus téméraires, pourquoi pas, d'engager la discussion avec le kiosquier le plus proche de leur église, pour l'inciter à ne pas se résigner à la médiocrité.
- 1. Le terme ne vous dit rien ? Normal, le phénomène est peu étudié en France et la sénatrice a dû aller chercher son vocabulaire chez nos amis québécois
- 2. critiquable en bien des points
- 3. dans un ensemble qui couvre l'ensemble des domaines d'action : protection juridique, recherche universitaire, information et prévention, responsabilité des acteurs économiques
- 4. si vous connaissez des blogs francophones qui valent le blog CatholicMom de Lisa Hendey, n'hésitez pas à me laisser un commentaire..