Vous êtes ici

Que votre oui soit oui

Que votre oui soit oui

Publié par Incarnare le samedi 14/08/2010 - 16:55 - Mariage - Blog

« Combien de pattes un chien a t-il, si nous convenons que sa queue est une patte ? Toujours quatre, et pas une de plus : appeler "patte" la queue d'un chien n'en fera pas une patte pour autant » Ce petit aphorisme, attribué à Abraham Lincoln, illustre bien la sagesse pratique de nos cousins américains, dont nous manquons souvent parfois dans nos contrées françaises.

Car il faut bien appeler un chat un chat1. Les mots ont un sens et, s'il peut parfois être tentant de croire qu'ils sont malléables et de les déformer pour les faire coller à nos désirs, c'est au risque de les vider de leur sens, de les rendre inutiles, bref : de prendre nos désirs pour des réalités. La qualité d'un discours se mesure par sa conformité à la réalité, qu'on appelle vérité.

La distorsion de la vérité est facile : il suffit de définir un objet en s'appuyant sur ses qualités non-essentielles. Si l'on définit le soldat simplement comme un homme en arme, c'est insuffisant : dans ce cas, les pirates somaliens pourraient également revendiquer ce titre ; de même si l'on définit un sportif comme quelqu'un payé des millions et qui fait des pubs pour son équipementier, on est dans l'erreur : les bleus de la Coupe du Monde 2010 n'ont pas réellement mérité le titre de sportif.

Finalement, ce ne sont pas son uniforme, son arme, sa condition physique ou ses galons qui font un soldat ; c'est son attachement à défendre son pays et les idéaux qui l'ont construit. En d'autres termes, ce ne sont pas des attributs qui définissent une réalité, mais comment ses attributs sont mis au service de son sens profond.

Le mariage, plus qu'un mot

Le mariage a souvent fait l'objet de tels détournements de langage. Il en est même un candidat idéal, puisqu'il s'appuie lui-même sur une parole échangée2. Il serait facile mais dangereux de croire que cette parole accomplit à elle seule le sens du mariage. 

L'Eglise avait déjà intuité cet écueil en affirmant que le don des personnes dans le mariage se réalisait dans la promesse échangée ET dans l'accomplissement de cette promesse dans le don charnel. Allons plus loin. Nos amis anglosaxons peuvent encore nous aider ici, car ils distinguent le wedding (le "jour J" du mariage) et le marriage (la vie conjugale). Réduire le mariage au wedding est une abérration3

Ce n'est donc pas la robe blanche ou le costume4, ni les alliances, ni le maire en écharpe, ni même les mots prononcés et qu'on peut parodier, qui font le mariage. C'est l'intention et le projet de vie des conjoints, et sa reconnaissance par la société.

Une distinction existe à ce niveau entre le mariage civil et le mariage religieux.

Puisque le mariage est d'abord (chronologiquement, même si pas en essence) une institution humaine, commençons par le mariage civil. Celui-ci est une construction juridique5 qui trouve son origine dans le fait que les relations sexuelles conduisent normalement à avoir des enfants, et que l'ordre social passe par leur bien-être et leur protection ainsi que ceux de leur mère. C'est pour cela que les époux, dit le code civil, s'obligent6 à une communauté de vie et se doivent mutuellement assistance et fidélité7

 

Les promesse n'engagent-elles que ceux qui y croient ?

Le mariage -même civil- n'est donc pas simplement une reconnaissance sociale de l'affection qui unit les époux. Parce qu'il provient des conséquences sociales de la sexualité, il est limité à un seul homme et une seule femme. On se marie pas à trois (ou quatre), pas plus qu'on ne marie les personnes homosexuelles (n'en déplaise à Mamère8). 

Alors certes, si l'on retranche du mariage tout ce qui en fait la nature, si on en fait une coquille vide - en d'autres termes si l'on confond la patte du chien et sa queue -, on pourra faire des parodies de mariage (comme les petites filles "jouent à la mariée"). Mais ce serait aussi inutile qu'un platre sur une patte de bois : le chien n'en marchera pas mieux. On pourra créer des mirages, des illusions collectives ; pas des couples heureux et stables. 

 

Le mariage chrétien, plus qu'une promesse : une alliance

Le mariage chrétien va plus loin qu'une promesse, même rendue performative par la puissance de frappe sociale. Il le fait parce qu'il va plus loin dans sa compréhension anthropologique que le mariage civil : alors que ceui-ci se borne à constater qu'un couple produit -le plus souvent- des enfants et qu'un engagement de la personne est nécessaire pour cette entreprise qui occupe assez bien9 une vie, le mariage chrétien reconnaît que cet engagement de toute la personne est au coeur même de l'identitié humaine.

J'assistai ces derniers jours à un mariage. Deux choses m'ont particulièrement touchées, qui illustrent comment l'Eglise voit dans le don des personnes dans le mariage une grande beauté. 

D'abord, la messe de mariage ne comprend pas de Kyrie10. C'est qu'à ce moment précis où les époux se donnent l'un à l'autre, ils accomplissent précisément leur vocation profonde, ce don de soi auquel Dieu appelle chacun lors de sa création. La joie du Gloria convient bien mieux à ce moment où les époux s'avancent vers l'autel !

Ensuite, la structure-même de la messe11 est l'histoire d'un mariage : échange d'une parole qui annonce le don de la Personne, puis ce don concret du Corps, qui dit le don de toute une vie. 

 

Encore faut-il savoir à quoi l'on dit "oui"

« Que votre oui soit oui, et que votre non soit non » Cette parole de Jésus suit (en Mt 5) l'exposé des béatitudes.. après lequel Jésus a invité à cesser de jouer avec les mots. Citant la loi de Moïse, il dit "vous avez appris qu'il est écrit... moi je vous dis..."

Ce n'est qu'en réfléchissant sérieusement au sens qu'elle donne au mariage que notre société le sauvera, en en considérant non seulement les attributs mais surtout l'origine et le sens profond.

Ce n'est qu'en prenant le temps de comprendre notre appel à nous donner pleinement et comment le mariage est l'une des voies de cet appel, que nous pourrons dire avec assurance (mais non sans trembler, vu l'énormité de ce que ça représente) : « oui ».

  • 1. ou, pour les catholiques, appeler un chacha un chacha :p
  • 2. à l'église, je te reçois pour époux(se) et je me donne à toi ; à la mairie - Voulez-vous prendre pour époux(se)... - Oui. Notez la subtile différence.
  • 3. Puisqu'on est dans les mots avec ce billet, si comme moi vous hésitez toujours sur le nombre de "b" et "r" dans le mot abérration, souvenez-vous que ce ne sont pas de simples facéties d'abbé, auxquel cas il s'écrirait abbération.
  • 4. attributs dont la qualité feront certes le choc des photos, mais certainement pas le poids des mots
  • 5. qui comme toute construction juridique, défend le faible, le fort n'ayant pas besoin du droit
  • 6. ça ne vous aura pas échappé, le législateur n'est pas un grand romantique
  • 7. bah oui, un homme qui aurait des enfants de trois femmes a bien du mal à tous les protéger.
  • 8. et n'en déplaise au juge californien qui croit y avoir une distinction irrationnelle, piétinant ainsi les fondateurs de la constitution sur laquelle il s'appuie
  • 9. demandez aux pères et aux mères..
  • 10. pour les non-cathos: le Kyrie, au début de la messe, est un temps où chacun invoque, et accueille, le pardon de Dieu pour les fautes qu'il a commises
  • 11. comme tout le christianisme, et toute l'histoire depuis la création

 
 

 
 

A la une

Car tous ont péché...

La presse se fait l'écho d'un livre du journaliste Ekke Overbeek indiquant que Karol Wojtyła, futur Pape Jean-Paul II (et aujourd'hui Saint Jean-Paul II) aurait avant son élection pontificale, en tant qu'archevêque de Cracovie, eu connaissance de témoignages de faits de pédo-criminalité (la presse ne relaie ni le nombre ni la nature des faits) et n'aurait pas apporté la réponse appropriée (à savoir le signalement des faits aux autorités civiles et le déclenchement d'une enquête canonique aboutissant au renvoi à l'état laïc des malfaiteurs).

Actualité de l'Eglise