Semer Avent tout.
Je lisais ce billet d'Eliette sur ce que signifie pour elle ce temps de l'Avent que l'Eglise nous donne. Avec ses mots simples et raffraichissants, elle nous rappelle que, si nous sommes appelés à veiller, c'est Dieu qui est ceLui qui nous attend, qui nous espère. Des sacristain(e)s abordent également ce thème, chacun avec sa plume et sa sensibilité. Plusieurs versets de l'écriture me parlent particulièrement dans ce temps.
Veillez donc, car vous ne connaissez pas le jour où votre Seigneur viendra (Mt 24)
Eliette, donc, nous souffle ce verset comme clé de l'Avent. Je ne comprends pas cet appel à veiller comme une invitation à sortir du monde et vivre dans une tour d'ivoire en attendant le 25 décembre ou le retour du Christ. Je ressens au contraire cet appel à veiller comme une réalité très incarnée, très pratique. Le Seigneur vient concrètement à nous, il nous l'a dit, sous la forme du plus pauvre, du faible, du malade, du prisonnier. Elargis ta tente, élargis ton coeur !
Mais pour que cela ne reste pas que des belles paroles, notamment pour ceux d'entre nous qui pratiquent un métier plus tourné vers l'entreprise que vers l'action sociale.. continuons ! Dans l'évangile de Matthieu, cette injonction précède immédiatement la parabole des talents (Mt25). Et l'injonction "veillez !" prend alors une saveur quasi-économique. Oui, nous avons un devoir moral à développer nos talents, à rester également dans la sphère économique à l'affut de nouveaux projets, de nouveaux défis : chaque fois que nous nous endormons sur nos lauriers, que nous préférons une sécurité facile, que nous thésaurisons, chaque inefficience économique retombe, en définitive, sur lui : le pauvre, le faible, l'exclu. Alors veillons !
Déjà, mais pas encore...
C'est comme ça que David voit la sagesse d'Eliette. C'est ça aussi l'Avent : cette capacité à goûter ce qui déjà existe, mais qui n'est pas encore visible, comme l'Amour caché des fiancés. Pour moi, qui suis de tempérament plus facilement tourné vers la résurrection que vers la croix, vers les fins dernières que les pieds sur terre, c'est surtout un appel à regarder en face les douleurs et le tragique de certaines situations. Pas pour se désespérer, mais pour réaliser que même au fond de l'abîme, Dieu va chercher ses créatures.
Ca me permet d'approfondir un peu ma vocation de prêtre (que je ne suis que dans la mesure où tout baptisé est un peu prêtre), d'accepter de vivre cette tension entre la Gloire de Dieu, sa transcendance, et ma finitude et l'universalité du péché. Accepter d'être devant lui un esprit brisé. De se laisser connaître par Lui, l'enfant adoré et roi crucifié. De contempler ce Jésus, à la fois maître et serviteur. Au coeur de ce mystère, cette phrase du Psaume, qui est mon verset d'Avent1 : « qui sème dans les larmes moissonne dans la joie ».
Encore une fois, comme dans le Veillez donc, il ne s'agit pas vraiment de rétribution, une joie qui arriverait après les larmes. C'est le fait même de semer, malgré les larmes, qui met en joie, qui place le germe qui portera du fruit et donnera la possibilité de moissonner lorsque le temps sera venu. Un temps pour planter, un temps pour récolter, pour pleurer et pour rire, pour se lamenter et pour danser, dit l'Ecclesiaste. Semer Avent tout et semer à tout vent, voilà mon désir. Dieu sème aujourd'hui en moi ce qu'il récoltera demain : quand je vois ce qu'Il a fait du petit bout de mon être que je l'ai bien voulu laisser habiter, ne souhaiterais-je pas lui donner tout mon être et l'élargir aux dimensions de son coeur ?
- 1. qui pourrait aussi, je le réalise, être mon verset de carême, mais l'Incarnation et le Salut sont si proches que je vis ces deux temps de manière quasi-identique