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Commentaires du dimanche 8 octobre
Commentaires de Marie-Noëlle Thabut,
dimanche 8 octobre 2023
27e dimanche du Temps ordinaire
1ère lecture
Psaume
2ème lecture
Evangile
PREMIERE LECTURE – Livre du prophète Isaïe 5,1-7
1 Je veux chanter pour mon ami
le chant du bien-aimé à sa vigne.
Mon ami avait une vigne
sur un coteau fertile.
2 Il en retourna la terre, en retira les pierres,
pour y mettre un plant de qualité.
Au milieu, il bâtit une tour de garde
et creusa aussi un pressoir.
Il en attendait de beaux raisins,
mais elle en donna de mauvais.
3 Et maintenant, habitants de Jérusalem, hommes de Juda,
soyez donc juges entre moi et ma vigne !
4 Pouvais-je faire pour ma vigne
plus que je n’ai fait ?
J’attendais de beaux raisins,
pourquoi en a-t-elle donné de mauvais ?
5 Eh bien, je vais vous apprendre
ce que je ferai de ma vigne :
enlever sa clôture
pour qu’elle soit dévorée par les animaux,
ouvrir une brèche dans son mur
pour qu’elle soit piétinée.
6 J’en ferai une pente désolée ;
elle ne sera ni taillée ni sarclée,
il y poussera des épines et des ronces ;
j’interdirai aux nuages
d’y faire tomber la pluie.
7 La vigne du SEIGNEUR de l’univers,
c’est la maison d’Israël.
Le plant qu’il chérissait,
ce sont les hommes de Juda.
Il en attendait le droit,
et voici le crime ;
il en attendait la justice,
et voici les cris.
UNE CHANSON DE VENDANGES DEVENUE CHANT DE NOCES
Cela commence comme une chanson de vendanges : « Je veux chanter pour mon ami le chant du bien-aimé à sa vigne. Mon ami avait une vigne sur un coteau fertile. Il en retourna la terre, en retira les pierres, pour y mettre un plant de qualité. »
La vigne, en Israël, est chose précieuse ! Et tout le monde sait quels soins patients et attentifs elle requiert de la part du vigneron. Si bien qu’une chanson de vendanges vantant la sollicitude du vigneron était devenue une chanson de noces : on invitait le jeune époux à prodiguer autant de soins à son épouse.
LES NOCES, IMAGE DE L’ALLIANCE DE DIEU AVEC SON PEUPLE
Le prophète Isaïe, à son tour, reprend la même chanson, mais cette fois pour parler de l’Alliance entre Dieu et Israël. De la chanson de vendanges devenue chant de noces, il a tiré une véritable parabole. Ses auditeurs ne s’y tromperont donc pas, il ne s’agit pas d’une simple chanson de vendanges, ni même de fête de mariage !
D’ailleurs, c’est le prophète lui-même qui déchiffre la parabole. « La vigne du SEIGNEUR de l’univers, c’est la maison d’Israël. Le plant qu’il chérissait, ce sont les hommes de Juda ». Quant aux fruits, Isaïe est tout aussi clair : le bon raisin attendu, c’est le droit et la justice ; le mauvais raisin, c’est ce qu’il appelle « le crime et les cris ».
LES MAUVAIS FRUITS DE CETTE VIGNE
Dans la suite de ce chapitre, il précise ses reproches : « Malheureux, vous qui ajoutez maison à maison, qui joignez champ à champ, jusqu’à occuper toute la place et habiter, seuls, au milieu du pays ! » C’est la recherche égoïste de l’argent et de la propriété qui est visée ici. Et cette insouciance des riches pour le malheur des pauvres qui caractérise souvent les périodes prospères : « Malheureux, ceux qui, dès le petit matin, courent après la boisson forte et que le vin échauffe encore, tard dans la soirée ! Ce ne sont que cithares et harpes, tambourins et flûtes, et vin pour leurs beuveries. Mais sur l’œuvre du SEIGNEUR ils n’ont pas un regard ; ce qu’il fait de ses mains, ils ne le voient pas. » (Is 5,8.11-12).
Il y a pire encore, c’est la la perte de toute moralité et la perversion de la justice : « Malheureux, ces gens qui déclarent bien ce qui est mal, et mal ce qui est bien, qui font des ténèbres la lumière et de la lumière les ténèbres, qui rendent amer ce qui est doux et doux ce qui est amer !… Ils acquittent le coupable contre un cadeau (autrement dit, les juges se font acheter), ils privent les innocents de leur justice ! (Is 5,20.23).
Que fait le vigneron mal récompensé de ses efforts ? Il finit par admettre que la terre est trop mauvaise et il abandonne l’entreprise. Le beau carré bien ordonnancé sera vite redevenu un terrain vague où pousseront des épines et des ronces, comme dit Isaïe.
C’est toujours la même leçon : dès qu’on s’éloigne de la fidélité aux commandements, on fait fausse route et le peuple créé pour que tous ses membres soient heureux et libres, devient le règne de tous les égoïsmes et de tous les vices ; et cela se termine toujours mal. Tout comme un beau carré de vigne laissé à l’abandon devient la proie des bêtes sauvages.
LA COLERE DU VIGNERON
Ce qui est troublant, une fois de plus, dans ce message du prophète c’est qu’Isaïe attribue à Dieu lui-même l’exercice du châtiment : le vigneron de la parabole d’Isaïe ne se contente pas de laisser faire le cours des choses ; c’est lui-même qui enlève la clôture et ouvre une brèche dans le mur pour que la vigne soit piétinée et dévorée par les animaux…
En réalité, comme dimanche dernier, avec le prophète Ezéchiel, nous sommes à une étape de la pédagogie de Dieu. Avec Isaïe, nous sommes même avant Ezéchiel, donc à une époque où l’on dit volontiers que Dieu punit nos mauvaises actions ; à une époque surtout où on n’est pas débarrassé de l’idolâtrie : et donc pour le prophète, il s’agit avant tout d’affirmer qu’il n’existe qu’une puissance au monde ; aucune autre divinité n’est à craindre. Dans tout ce qui nous arrive, c’est vers le Dieu d’Israël qu’il faut se tourner. Lui, le Saint d’Israël, est totalement étranger à toutes les bassesses et les injustices des hommes. Ceux-ci n’ont donc aucune chance de survie s’ils ne changent pas de vie.
Là Isaïe fait la grosse voix, pourrait-on dire, mais n’oublions pas que le même Isaïe, plus tard, quand il faudra remonter le moral des troupes, reprendra son chant de la vigne avec d’autres couplets : « Ce jour-là, chantez la vigne exquise ! Moi, le SEIGNEUR, j’en suis le gardien ; je l’arrose en temps voulu. De peur qu’on ne la visite, je la garde nuit et jour. Je ne suis plus en fureur. » (Is 27,2-4a).
Notre chance à nous, deux mille cinq cents ans plus tard, c’est de savoir que Dieu n’est jamais en fureur !
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COMPLEMENTS
– A propos de la vigne : entendons-nous bien, quand on pense à la vigne, il ne s’agit pas d’un seul pied, mais d’un carré de vigne : ce qui veut dire déjà un lopin de terre bien à soi. Puisqu’elle exige des soins constants, elle signifie culture, installation ; tout le monde se souvient de Noé, le premier vigneron. La vigne est le premier arbre cultivé, premier signe de civilisation après le déluge : Gn 9,20-22 ; cela veut dire aussi période de paix, où l’on est assuré de pouvoir travailler sa terre encore le lendemain.
Pendant toute la traversée du désert, évidemment, il n’était pas question de vigne et c’est l’un des reproches que l’on fait à Moïse, justement, quand on perd le moral : « Pourquoi nous avoir fait monter d’Égypte, et nous avoir amenés dans ce lieu de malheur où l’on ne peut rien semer, où il n’y a ni figuiers, ni vignes, ni grenadiers, et même pas d’eau à boire ! » (Nb 20,5).
A l’inverse, lorsque Moïse organisa une première mission de reconnaissance dans la terre de Canaan que Dieu lui avait promise, les explorateurs furent aussitôt impressionnés par la richesse des vignobles ; c’était la saison des premiers raisins. « Ils allèrent jusqu’à la vallée d’Eshkol où ils coupèrent un sarment et une grappe de raisin. Ils la portaient à deux au moyen d’une perche. Ils avaient aussi cueilli des grenades et des figues. » (Nb 13,23). Désormais, quand on veut parler d’une période de bonheur et de prospérité, on dit « Juda et Israël habitèrent en sécurité, chacun sous sa vigne et sous son figuier, de Dan jusqu’à Bershéba, durant toute la vie de Salomon » (1 R 5,5 ). De même, quand on parle du règne de Dieu dans l’avenir, le règne de la paix et de la justice, on dit : « Jamais nation contre nation ne lèvera l’épée ; ils n’apprendront plus la guerre. Chacun pourra s’asseoir sous sa vigne et son figuier » (Mi 4,4).
– Isaïe 5,6 : « Il y poussera des épines et des ronces » : « Il arrivera, en ce jour-là, que tout lieu planté de mille vignes et valant mille pièces d’argent ne sera que des épines et des ronces. On y viendra avec un arc et des flèches ; oui, tout le pays ne sera que des épines et des ronces. » (Isaïe 7,23-24). On ne peut pas s’empêcher de penser aux épines et aux chardons qui envahissent le sol après la faute d’Adam. (Gn 3,18).
– En Israël, la métaphore de la vigne va très loin : dans certains textes bibliques, le pressoir est présenté comme une image du jugement.
PSAUME – 79 (80), 9.12, 13-14, 15-16a, 19-20
9 La vigne que tu as prise à l’Egypte,
tu la replantes en chassant des nations.
12 Elle étendait ses sarments jusqu’à la mer,
et ses rejets, jusqu’au Fleuve.
13 Pourquoi as-tu percé sa clôture ?
Tous les passants y grapillent en chemin ;
14 le sanglier des forêts la ravage
et les bêtes des champs la broutent.
15 Dieu de l’univers, reviens !
Du haut des cieux, regarde et vois :
visite cette vigne, protège-là,
16 celle qu’a plantée ta main puissante.
19 Jamais plus nous n’irons loin de toi :
fais-nous vivre et invoquer ton nom !
20 Seigneur, Dieu de l’univers, fais-nous revenir ;
que ton visage s’éclaire, et nous serons sauvés !
LA VIGNE DE DIEU C’EST ISRAËL
Pour qui a entendu le chant de la vigne d’Isaïe, dans la première lecture de ce vingt-septième dimanche, ce psaume en est l’écho parfait. Le thème est le même : Israël est comparé à une vigne dont Dieu est le vigneron. Celui-ci a fait pour sa vigne tout ce qu’un vigneron peut faire ; il l’a soignée, protégée, gardée… hélas, la vigne n’a rien donné : « Mon ami avait une vigne sur un coteau fertile. Il en retourna la terre, en retira les pierres, pour y mettre un plant de qualité. Au milieu, il bâtit une tour de garde et creusa aussi un pressoir. Il en attendait de beaux raisins, mais elle en donna de mauvais » (Is 5,1-2).
On connaît la fin de la chanson : le vigneron se met en colère : « Je vais vous apprendre ce que je ferai de ma vigne : enlever sa clôture pour qu’elle soit dévorée par les animaux, ouvrir une brèche dans son mur pour qu’elle soit piétinée. J’en ferai une pente désolée ; elle ne sera ni taillée ni sarclée, il y poussera des épines et des ronces ; j’interdirai aux nuages d’y faire tomber la pluie » (Is 5,5-6).
L’HISTOIRE DE CETTE VIGNE, C’EST L’HISTOIRE D’ISRAËL
Visiblement la métaphore de la vigne était parfaitement comprise quand on chantait ce psaume au Temple de Jérusalem, car les malheurs d’Israël sont exprimés avec les mêmes images. Par exemple, on dit à Dieu : « Pourquoi as-tu percé sa clôture ? Tous les passants y grappillent en chemin ; le sanglier des forêts la ravage et les bêtes des champs la broutent ». Traduisez, nous sommes en période d’occupation étrangère ; les bêtes féroces, ce sont les ennemis du moment. Dans un autre verset, on dit encore « La voici détruite, incendiée » et aussi : « Tu fais de nous la cible des voisins : nos ennemis ont vraiment de quoi rire ! »
De quels ennemis s’agit-il précisément ? On ne peut pas le dire. Malheureusement, toutes les guerres et toutes les occupations étrangères, où que ce soit à la surface du globe, apportent avec elles le même cortège d’atrocités et de malheur ; une autre phrase dit encore : « Vas-tu longtemps encore opposer ta colère aux prières de ton peuple, le nourrir du pain de ses larmes, l’abreuver de larmes sans mesure ? » Cela ne suffit pas pour situer les circonstances concrètes qui ont inspiré cette supplication ; il est donc impossible de savoir quand ce psaume a été écrit ; est-ce au moment où la grande puissance assyrienne envahissait toute la région, en commençant par le royaume du Nord ? Cela nous reporterait bien avant l’Exil à Babylone, entre le neuvième et le septième siècles av.J.C. (puisque la capitale du royaume du Nord, Samarie, a été écrasée en 721). Est-ce bien plus tard, après la prise de Jérusalem par Babylone, c’est-à-dire au sixième siècle ? Et il y a encore d’autres hypothèses possibles. De toutes manières, quelles que soient les circonstances concrètes dans lesquelles est né ce psaume, le peuple d’Israël a pu le redire à nouveau à plusieurs reprises. (Et, aujourd’hui, à la surface du globe, nous connaissons plusieurs peuples qui pourraient le réinventer pour leur propre compte).
LA COMPOSITION TRES SOIGNEE DE CE PSAUME
Lorsqu’on lit ce psaume en entier, il se présente comme un cantique composé de quatre couplets et quatre refrains ; les couplets disent l’histoire d’Israël : vigne choisie par Dieu, et prise à l’Egypte ; autrement dit le peuple que Dieu s’est choisi, qu’il a rassemblé, libéré de l’esclavage en Egypte et fait entrer dans la Terre Promise : « La vigne que tu as prise à l’Egypte, tu la replantes en chassant des nations. Tu déblaies le sol devant elle, tu l’enracines pour qu’elle emplisse le pays »… Et maintenant c’est la désolation, le pain des larmes.
Le refrain c’est la phrase : « Seigneur, Dieu de l’univers, fais-nous revenir ; que ton visage s’éclaire et nous serons sauvés ». L’expression « fais-nous revenir » est typique des célébrations pénitentielles : le mot « revenir » signifie « se convertir », faire demi-tour. Car on sait bien que si la vigne a donné de mauvais fruits, ce n’est pas de la faute du vigneron ; les prophètes l’avaient assez dit, Isaïe entre autres ! Les bons fruits que Dieu attendait, c’étaient le droit et la justice ; comme le dit Michée dans une phrase superbe : « Homme, on t’a fait connaître ce qui est bien, ce que le SEIGNEUR réclame de toi : rien d’autre que respecter le droit, aimer la fidélité et t’appliquer à marcher avec ton Dieu » (Mi 6,8).
Ils avaient beau être prévenus, les croyants, libérés par le Dieu qui veut l’homme libre, ils ont pourtant écrasé le pauvre et réduit le frère à l’esclavage. Ils n’ont pas cultivé la justice, ils ont cultivé la richesse égoïste.
DIEU DE L’UNIVERS, REVIENS !… FAIS-NOUS REVENIR
Le refrain est donc une demande de pardon. Ce qui est remarquable, c’est que la formule oscille entre « Dieu de l’univers, reviens ! » et « Dieu de l’univers, fais-nous revenir ! » Quand on supplie Dieu de revenir en disant « Dieu, reviens », on sous-entend « reviens nous sauver » : évidemment, on sait bien qu’il ne s’est pas éloigné ; mais c’est un appel au secours ; la deuxième formule « Dieu de l’univers, fais-nous revenir » dit bien que la conversion est à la fois oeuvre de Dieu et oeuvre de l’homme, c’est le demi-tour de l’homme retourné par l’Esprit de Dieu.
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NOTES
– On peut être heurté dans ce psaume par l’image qu’il nous donne d’un Dieu qui punit : ici, comme dans le texte d’Isaïe, c’est bien le vigneron qui a volontairement livré la vigne aux bêtes sauvages. Mais il faut se rappeler que la découverte de Dieu est progressive au long de l’histoire biblique et que ce psaume reflète l’état de la réflexion théologique à l’époque où il a été écrit : à cette époque-là, on considère que tout vient de Dieu : si on lui attribue le bonheur, il faut bien lui attribuer aussi le malheur ; ce n’est que très tardivement dans l’histoire de l’Ancien Testament que cette conception sera abandonnée.
– La partie centrale du livre de Job reflète un état plus tardif de la réflexion d’Israël et l’abandon de la logique de punition (nos malheurs seraient des châtiments) ; mais on n’a pas encore, même à cette étape, abandonné l’idée que Dieu commande tous nos bonheurs et tous nos malheurs. C’est ce qui est affirmé dans le Prologue mais que la suite du livre ne dément pas : « Le SEIGNEUR a donné, le SEIGNEUR a ôté ; que le nom du SEIGNEUR soit béni ! (Job 1,21)… Nous acceptons le bonheur comme un don de Dieu. Et le malheur, pourquoi ne l’accepterions-nous pas aussi ? » (Job 2,10).
– Il a fallu encore bien des siècles pour découvrir que Dieu respecte tellement la liberté humaine qu’il ne tire pas toutes les ficelles de l’histoire !
DEUXIEME LECTURE – lettre de saint Paul apôtre aux Philippiens 4,6-9
Frères,
6 ne soyez inquiets de rien,
mais, en toute circonstance,
priez et suppliez, tout en rendant grâce,
pour faire connaître à Dieu vos demandes.
7 Et la paix de Dieu,
qui dépasse tout ce qu’on peut concevoir,
gardera vos coeurs et vos pensées dans le Christ Jésus.
8 Enfin, mes frères, tout ce qui est vrai et noble,
tout ce qui est juste et pur,
tout ce qui est digne d’être aimé et honoré,
tout ce qui s’appelle vertu
et qui mérite des éloges,
tout cela, prenez-le en compte.
9 Ce que vous avez appris et reçu,
ce que vous avez vu et entendu de moi,
mettez-le en pratique.
Et le Dieu de la paix sera avec vous.
PARCE QUE LE SEIGNEUR DU BUISSON ARDENT EST PROCHE
« Ne soyez inquiets de rien », dit Paul et nous avons envie de lui répondre que ce n’est pas toujours facile ! Mais il faut relire le verset qui précède ce texte dans la lettre de Paul : « Le Seigneur est proche ». Voilà pour Paul la meilleure, et même la seule raison de rester sereins, quoi qu’il arrive… Derrière cette petite phrase (« Le Seigneur est proche »), il me semble qu’on peut entendre deux choses.
Premièrement, le Seigneur est proche de nous, cela on le sait depuis bien longtemps en Israël, depuis l’épisode du buisson ardent : Dieu est proche de nous parce qu’il nous aime.
LE ROYAUME DE DIEU EST DEJA INAUGURE
Deuxièmement, le Seigneur est proche parce que les temps sont accomplis, parce que le Royaume de Dieu est déjà inauguré et que nous sommes dans les derniers temps ; on connaît cette autre phrase de Paul, « le temps est limité » ; elle traduit une expression empruntée au vocabulaire nautique : « Le temps a cargué ses voiles » (1 Co 7,29) : comme un bateau près d’entrer au port replie ses voiles (c’est le sens du mot « carguer »), de la même façon, l’histoire humaine est tout près du port.
Etre croyant c’est être tendu vers cet accomplissement de l’histoire ; non seulement le Royaume s’est approché de nous en Jésus-Christ, (parce que le Royaume c’est Jésus-Christ présent en tous) mais mieux encore, il nous attire comme un aimant.
Le reste du texte en découle : puisque le Seigneur est proche, nous ne sommes inquiétés par rien ; on croit entendre ici l’écho de cette superbe leçon sur la prière chez Saint Matthieu : « Ne vous souciez pas, pour votre vie, de ce que vous mangerez, ni pour votre corps, de quoi vous le vêtirez. La vie ne vaut-elle pas plus que la nourriture, et le corps plus que les vêtements ?… Ne vous faites donc pas tant de souci ; ne dites pas : “Qu’allons-nous manger ?” ou bien : “Qu’allons-nous boire ?” ou encore : “Avec quoi nous habiller ?” Tout cela, les païens le recherchent. Mais votre Père céleste sait que vous en avez besoin. Cherchez d’abord le royaume de Dieu et sa justice, et tout cela vous sera donné par surcroît. Ne vous faites pas de souci pour demain : demain aura souci de lui-même ; à chaque jour suffit sa peine. » (Mt 6,25…34).
« NE SOYEZ INQUIETS DE RIEN »
Ce n’est pas de l’insouciance, c’est de la confiance, de la sérénité. « Ne soyez inquiets de rien »… puisque tout est déjà donné, il n’y a qu’à puiser : nous n’avons qu’à nous laisser emporter dans le torrent de la grâce. Prier, au fond, c’est se plonger dans le don de Dieu.
Alors nous comprenons pourquoi, dans la prière, supplication et action de grâce sont toujours liées ; c’est une caractéristique de la prière juive qui dit toujours en même temps « Tu es béni, Seigneur, toi qui nous donnes… s’il te plaît, donne-nous ». C’est logique d’ailleurs : si l’on prie Dieu c’est parce qu’on sait qu’il peut et qu’il veut notre bonheur… et qu’il y travaille sans cesse. Lui demander quelque chose, c’est, implicitement au moins, lui rendre grâce. C’est très exactement ce que dit Paul : « Frères, ne soyez inquiets de rien, mais, en toute circonstance, priez et suppliez, tout en rendant grâce, pour faire connaître à Dieu vos demandes ».
Mais, comme disait Jésus, « Ce n’est pas en me disant ‘Seigneur, Seigneur !’ qu’on entrera dans le royaume des Cieux, mais c’est en faisant la volonté de mon Père qui est aux cieux. » (Mt 7,21).
Paul fait la même recommandation : « tout ce qui est vrai et noble, tout ce qui est juste et pur… prenez-le en compte ». Il attache certainement une grande importance à cette pratique d’une vie droite puisqu’il la met exactement en parallèle avec la prière. Il commence par parler de la prière et il conclut « la paix de Dieu, qui dépasse tout ce qu’on peut concevoir, gardera vos coeurs et vos pensées dans le Christ Jésus. » Puis il parle du comportement des Chrétiens pour terminer par la phrase « le Dieu de la paix sera avec vous ». Il me semble que ce parallélisme, certainement voulu, signifie qu’aux yeux de Paul, prière rime avec vie communautaire. En cela, d’ailleurs, il ne fait que reprendre la prédication des prophètes de l’Ancien Testament.
PRIERE RIME AVEC VIE COMMUNAUTAIRE
Pour revenir au Nouveau Testament, vous connaissez la phrase de Jésus dans l’évangile de Marc : « Quand vous vous tenez en prière, si vous avez quelque chose contre quelqu’un, pardonnez… » (Mc 11, 25) ; et Saint Pierre fait les mêmes rapprochements : « La fin de toutes choses est proche. Soyez donc raisonnables et sobres en vue de la prière. Avant tout, ayez entre vous une charité intense. » (1 Pi 4,7-8).
A en croire Paul, la paix est donc au bout de ce chemin où vie de prière et valeurs communautaires marchent de pair : « Ne soyez inquiets de rien… priez et suppliez, tout en rendant grâce, pour faire connaître à Dieu vos demandes… et la paix de Dieu gardera vos coeurs et vos pensées »… « tout ce qui est vrai et noble, tout ce qui est juste et pur… prenez-le en compte et le Dieu de la paix sera avec vous ».
Si nous prenons au sérieux cette insistance des Ecritures sur le lien nécessaire entre la prière et l’amour fraternel, il y a là sans aucun doute une leçon pour nous : non seulement nos inquiétudes nous font oublier que Dieu nous aime, mais elles nous ferment le coeur… Si nous nous préoccupions moins de notre pain du lendemain, il y aurait du pain aujourd’hui pour beaucoup d’autres.
EVANGILE – selon saint Matthieu 21,33-43
En ce temps-là,
Jésus disait aux grands prêtres et aux anciens du peuple :
33 « Ecoutez cette parabole :
Un homme était propriétaire d’un domaine ;
il planta une vigne,
l’entoura d’une clôture,
y creusa un pressoir et bâtit une tour de garde.
Puis il il loua cette vigne à des vignerons,
et partit en voyage.
34 Quand arriva le moment des fruits
il envoya ses serviteurs auprès des vignerons
pour se faire remettre le produit de sa vigne.
35 Mais les vignerons se saisirent des serviteurs,
frappèrent l’un,
tuèrent l’autre,
lapidèrent le troisième.
36 De nouveau, le propriétaire envoya d’autres serviteurs
plus nombreux que les premiers ;
mais on les traita de la même façon.
37 Finalement, il leur envoya son fils,
en se disant :
‘Ils respecteront mon fils.’
38 Mais, voyant le fils, les vignerons se dirent entre eux :
‘Voici l’héritier :
venez ! tuons-le,
nous aurons son héritage !’
39 Ils se saisirent de lui,
le jetèrent hors de la vigne
et le tuèrent.
40 Eh bien ! quand le maître de la vigne viendra,
que fera-t-il à ces vignerons ? »
41 On lui répond :
« Ces misérables, il les fera périr misérablement.
Il louera la vigne à d’autres vignerons,
qui lui en remettront le produit en temps voulu ».
42 Jésus leur dit :
« N’avez-vous jamais lu dans les Ecritures :
‘La pierre qu’ont rejetée les bâtisseurs
est devenue la pierre d’angle. :
c’est là l’oeuvre du Seigneur,
la merveille devant nos yeux !’
43 Aussi, je vous le dis :
Le royaume de Dieu vous sera enlevé
pour être donné à une nation
qui lui fera produire ses fruits. »
LA PARABOLE DE LA VIGNE
On reconnaît tout de suite dans cette parabole de Jésus les emprunts qu’il fait au chant de la vigne du prophète Isaïe : « Un homme était propriétaire d’un domaine ; il planta une vigne, l’entoura d’une clôture, y creusa un pressoir et bâtit une tour de garde ». Le propriétaire entoure sa vigne des mêmes soins que le vigneron d’Isaïe ; mais les similitudes s’arrêtent là. Dans l’évangile, la parabole prend un tour nouveau et propose donc une leçon nouvelle.1
Chez Isaïe, le propriétaire est en même temps le vigneron ; la vigne représente le peuple d’Israël, une vigne entourée de soins, mais décevante et qui ne donnait que des mauvais fruits.
Dans la parabole de Jésus, le propriétaire n’est pas le vigneron, il n’exploite pas directement sa vigne, il la confie à d’autres vignerons ; écoutons Saint Matthieu : « Il la loua à des vignerons et partit en voyage ».
QUI EST LA VIGNE ? ET QUI SONT LES VIGNERONS ?
Quant à savoir qui est la vigne, et qui sont les vignerons, ce n’est pas clair. De deux choses l’une : première hypothèse, la vigne représente Israël, comme chez Isaïe, et les vignerons sont les chefs des prêtres et les pharisiens. Ils avaient la charge de la vigne, le peuple d’Israël, et ils l’ont mal guidé puisqu’ils ont maltraité tous les prophètes et, en définitive, ils sont en train de rejeter le Fils Bien-Aimé du Père.
Deuxième hypothèse, la vigne représente le Royaume de Dieu et les vignerons, c’est le peuple d’Israël tout entier, qui en avait reçu la charge. C’est cette deuxième hypothèse qui est probablement la bonne, puisque Jésus termine en disant : « Le Royaume de Dieu vous sera enlevé pour être donné à une nation qui lui fera produire ses fruits ».
LE ROYAUME DE DIEU VOUS SERA ENLEVE
Cette dernière phrase de Jésus est terrible : « Le Royaume de Dieu vous sera enlevé pour être donné à une nation qui lui fera produire ses fruits ». Faut-il en conclure que le peuple d’Israël serait rejeté ? Grave question qui a empoisonné le dialogue entre Juifs et Chrétiens depuis vingt siècles ; et à laquelle s’affrontait déjà douloureusement Saint Paul, le Juif, dans la lettre aux Romains. Sa conclusion était que, de manière mystérieuse, mais de manière certaine, Israël reste le peuple élu au service du monde parce que « Dieu ne peut pas se rejeter lui-même ».
D’autre part, il ne faut pas oublier qu’une parabole n’est jamais un verdict, mais un appel à la conversion ; il est vrai que d’une parabole à l’autre, dans cette dernière étape de la vie de Jésus, le ton monte, mais c’est parce que l’urgence de la reconnaissance du Messie se fait pressante. Nous sommes à la veille de la Passion. Il ne faut jamais perdre de vue que le souhait constant de Jésus est de sauver les hommes, non de les condamner ; et que, s’il guérit les aveugles de naissance, il désire plus encore guérir ses compatriotes de leur aveuglement. On a donc là une ultime tentative de Jésus pour alerter les pharisiens ; ses paroles sont sévères, mais elles ne constituent pas un jugement définitif.
Il ne s’agit en aucun cas d’un jugement sans appel du peuple juif dans son ensemble ni même de ses chefs ; ce serait contraire à tout l’évangile. D’ailleurs l’annonce la plus importante ce n’est pas que le Royaume leur soit enlevé : ce qui compte c’est que, malgré les obstacles dressés par les hommes, le Royaume produise son fruit. Ce n’est pas le vigneron qui compte, c’est le raisin.
LA PIERRE REJETEE PAR LES BATISSEURS
Mais surtout c’est le commentaire de Jésus qui nous donne la clé de la parabole : « N’avez-vous jamais lu dans les Ecritures : « La pierre qu’ont rejetée les bâtisseurs est devenue la pierre d’angle. C’est là l’oeuvre du SEIGNEUR, la merveille devant nos yeux ! » Dieu est un habitué de ces renversements de situation. Déjà, au livre de la Genèse, les fils de Jacob avaient dit à propos de leur frère Joseph « voilà le Bien-Aimé, tuons-le »… ils n’imaginaient pas que celui qu’ils voulaient supprimer était celui qui allait les sauver, eux et tout le peuple (Gn 37,20). D’une certaine manière, Jésus annonce ici sa Résurrection : lui, la pierre rejetée deviendra la clé de voûte de l’édifice ; traduisez le nouveau peuple, ce seront tous ceux qui se rassembleront autour de lui, quelle que soit leur origine. Et nul n’en est exclu : tous les vignerons sont englobés dans la phrase de Jésus sur la croix « Père, pardonne-leur, ils ne savent pas ce qu’ils font ».
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NOTE
1 – Cela veut dire que Jésus a bien repris le thème de la parabole de la vigne chez Isaïe, mais en a modifié le symbolisme, ce qui est une manière très habituelle chez les auteurs bibliques. Il suffit de voir comment les métaphores bibliques (comme celle de la pierre angulaire, par exemple) évoluent d’un auteur à l’autre.
COMPLEMENTS
– Le jugement que Jérémie portait déjà sur le peuple d’Israël peut nous éclairer : « Le jour où je les fis sortir (vos pères) du pays d’Égypte… voici l’ordre que je leur ai donné : ‘Écoutez ma voix : je serai votre Dieu, et vous, vous serez mon peuple ; vous suivrez tous les chemins que je vous prescris, afin que vous soyez heureux.’ Mais ils n’ont pas écouté, ils n’ont pas prêté l’oreille, ils ont suivi les mauvais penchants de leur cœur endurci ; ils ont tourné leur dos et non leur visage. Depuis le jour où vos pères sont sortis du pays d’Égypte jusqu’à ce jour, j’ai envoyé vers vous, inlassablement, tous mes serviteurs les prophètes. Mais ils ne m’ont pas écouté, ils n’ont pas prêté l’oreille, ils ont raidi leur nuque, ils ont été pires que leurs pères. Tu leur diras toutes ces paroles, et ils ne t’écouteront pas. Tu les appelleras, et ils ne te répondront pas. Alors, tu leur diras : ‘Voilà bien la nation qui n’a pas écouté la voix du SEIGNEUR son Dieu, et n’a pas accepté de leçon !’ La vérité s’est perdue, elle a disparu de leur bouche. »
– Matthieu écrit son Evangile à la fin du premier siècle, à une époque où le refus des Juifs de reconnaître le Messie a favorisé l’entrée des païens dans l’Eglise ; il n’est donc pas étonnant de trouver dans des textes de cette période une pointe polémique contre ceux qui ont poussé le peuple juif à refuser le Christ.
Homélie du dimanche 8 octobre
Dimanche 8 octobre 2023
27éme dimanche du Temps Ordinaire
Références bibliques :
Du livre du prophète Isaïe : 5. 1 à 7 :”Pouvais-je faire pour ma vigne plus que je n’ai fait ?”
Psaume 79 :” Que ton visage s’éclaire et nous serons sauvés.”
Lettre de saint Paul aux Philippiens : 4. 6 à 9 : “La paix de Dieu qui dépasse tout ce qu’on peut imaginer.”
Evangile selon saint Matthieu 21. 33 à 43 :” Ils respecteront mon fils.”
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La parabole des métayers qui se révoltent est à comprendre dans le sens de l’histoire du salut que le Christ nous avait déjà rappelée dans les deux précédentes paraboles de la vigne. Chacun y est appelé par l’amour du Père (les ouvriers de la dernière heure). Notre liberté reste entière et il n’est jamais de refus qui doive rester définitif (Les deux fils).
A tout moment, nous pouvons restaurer notre conduite.
L’INITIATIVE DE DIEU
En arrière-plan du récit de ce dimanche, nous trouvons l’initiative de Dieu, sur deux plans : l’appel et le soin de la vigne. Il se choisit un peuple. Il lui fait confiance et lui offre de vivre dans son Royaume, la vigne. C’est bien un appel à travailler en relation avec lui.
La culture de la vigne implique des soins particuliers pour qu’elle puisse produire son fruit, c’est-à-dire le raisin et, par la suite, le vin qui est signe de joie et de prospérité, toujours selon la tradition biblique. Dieu prend soin de son peuple avec amour afin qu’il produise son fruit, c’est-à-dire, la vie en plénitude dans la justice et l’amour.
La vigne produit son fruit, car à l’amour prévenant de Dieu à l’égard de son peuple, doit correspondre la réponse de l’homme qui l’exprime par sa fidélité à la Loi. Cette réponse doit “s’ajuster” à l’amour de Dieu qui a eu cette initiative de nous aimer.
ENTRER DANS LE PROJET DE DIEU
Le drame du Peuple choisi fut son refus d’entrer dans ce projet, malgré tous les appels à la conversion. A ces appels sans cesse renouvelés par les prophètes, ce peuple hésite tergiverse et parfois même choisit l’inverse.
« J’aime ta loi, Seigneur. » (psaume 119) – « L’amour de Dieu, à jamais je le chante. » (psaume 89.2) Et, dans le même temps : »Ils avaient oublié ses hauts faits, ses merveilles qu’il leur donne de voir. » (psaume 77.11) Alors, quand vient l’heure du repentir, ce peuple en appelle à la miséricorde de Dieu. « Dieu tu sais ma folie. Mes offenses sont à nu devant toi. » (psaume 68.6)
Ce peuple le sait : Dieu ne désespère jamais des hommes, car l’amour ne désespère jamais. (1 Corinthiens 13. 4 et ss) Son amour est plus fort que le péché des hommes. Il envoie son propre Fils qui sera livré à la violence des hommes, qui assumera même l’extrême de l’opposition à l’amour pour en faire une offrande à son Père pour le salut du monde, offert et donné. Lui, le seul Juste pour reprendre les termes des prophètes, sera mis à mort, serviteur souffrant. (Isaïe ch. 50 et suivants)
L’histoire humaine aurait pu s’achever dans l’absurdité de cette mort sur la Croix. Elle est l’aube d’une résurrection.
Car rien n’arrête Dieu. Par sa mort, Jésus détruit la force du mal. Par sa résurrection, il révèle à l’homme que la puissance de l’amour, et elle seule, détruit la violence. “La pierre rejetée des bâtisseurs devient la pierre d’angle” qui va permettre de restaurer le temple de Dieu. La vigne devient le Royaume de la Nouvelle Alliance, car le Royaume n’est pas détruit, il est désormais donné à d’autres vignerons “qui en remettront le produit en temps voulu.”
REALISER CE PROJET DE DIEU
En recueillant cette parabole, aujourd’hui, nous n’avons pas à relire l’histoire du Peuple élu pour le condamner dans son refus à l’égard de Jésus, le Christ envoyé du Père. Nous aussi nous devons prendre conscience de la misère de notre condition lorsque nous rejetons la “pierre d’angle”, lorsque nous prétendons construire le monde selon nos règles, selon nos normes, en nous considérant propriétaires de la vigne du Seigneur.
Ce sentiment de propriété ne peut qu’engendrer la violence sous toutes ses formes, en nous-mêmes, dans notre vie personnelle, dans la vie sociale avec nos frères, dans la vie internationale avec tous les hommes et tous les peuples. Nous en faisons l’expérience chaque jour.
Cette expérience nous révèle que la violence est la suite de nos consentements à nos désirs, expérience dans les consentements auxquels nous participons collectivement, même quand notre responsabilité immédiate n’est pas directement engagée. Nous nous sentons alors comme rejetés du Royaume et nous risquons de sombrer dans la désespérance en raison des échecs qui s’en suivent.
VIVRE LA RESURRECTION
Si le disciple de Jésus se sait traversé par le péché, le sien et celui qu’il partage avec les autres, il sait tout autant qu’en Jésus-Christ se trouve et se vit la Résurrection. Nous avons la certitude de sa victoire sur le mal et sur la mort. Encore faut-il que nous le traduisions dans tous nos comportements.
Le disciple de Jésus sait qu’avec l’Esprit-Saint, il reçoit la force de lutter contre le mal et de devenir à son tour témoin de l’amour de Dieu. Il est envoyé pour cela, jusqu’à la mort s’il le faut. La croix qui marque sa vie doit être portée avec le Christ. Elle ne signifie pas alors l’absurdité du monde, elle inaugure le monde nouveau, “l’œuvre du Seigneur, une merveille sous nos yeux !”
Le disciple de Jésus sait enfin que le Royaume ne se réalise ni immédiatement ni complètement en ce monde. Il sait qu’il s’épanouira à la fin des temps. Dans l’immédiat, il peut et doit en être l’acteur en coopérant à l’œuvre du Père, comme le vigneron dans la vigne du Royaume.
C’est à ces disciples-là que Dieu confie la tâche de travailler à sa Vigne. Avec le Christ, dans l’Esprit, ils en découvrent l’espérance: “Ce que vous avez appris et reçu, ce que vous avez vu et entendu, mettez-le en pratique et le Dieu de la paix sera avec vous.” (Philippiens 4. 9) non pas seulement la paix de Dieu, mais le Dieu de la paix sera avec nous. Ce passage de la lettre de saint Paul, que la liturgie nous propose aujourd’hui, nous devons le lire, le relire, le méditer, nous en imprégner afin de le réaliser.
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“Tu combles ceux qui t’implorent bien au-delà de leurs mérites et de leurs désirs… délivre notre conscience de ce qui l’inquiète… car tu nous donnes plus que nous n’osons demander.” (Oraison d’ouverture de la messe)